A bien entendre ce qu'en disent les Iraniens, la crise syrienne n'est pas près de s'achever
« Oui », « non », « non », « oui », et c’est pour l’instant « non ». Il n’y a pas d’accord entre les membres du Conseil de sécurité sur le projet de résolution prévoyant un mois de cessez-le-feu en Syrie, a annoncé hier le représentant russe aux Nations-Unies. Cela signifiait qu’à ce stade des discussions, la Russie bloquerait ce projet en y mettant son veto et que le pilonnage de la Ghouta, aux portes de Damas, et de la région d’Idlib, au nord-ouest du pays, se poursuivrait.
Un retournement de situation reste possible mais le plus probable est désormais que des hommes, des femmes et des enfants vont continuer à périr par centaines sous un tapis de bombes et que la mort et la faim, inéluctablement, conduiront bientôt à la reddition des deux derniers bastions de l’insurrection. C’est ce que veut Bachar al-Assad. C’est ce à quoi ses alliés russes et iraniens prêtent la main mais ensuite ?
Je viens de poser la question à un haut responsable iranien.
« Où cela vous mène-t-il ? Quel est votre but de guerre ? », lui ai-je demandé et voici les cinq points, largement contradictoires, à retenir de ses réponses.
Le premier est que l’Iran, dit-il, veut la stabilité de la région car son économie en a besoin. Le deuxième est que les Iraniens n’ont pas oublié leur absolue solitude dans la longue guerre que Saddam Hussein leur avait déclarée en 1980 et n’entendent en conséquence compter que sur eux-mêmes, autrement dit ne pas renoncer à leurs missiles à longue portée. Le troisième est que seuls les Européens pourraient empêcher Donald Trump de torpiller le compromis passé en 2015 sur la question nucléaire mais qu’ils ne semblent guère décidés à une épreuve de force avec Washington. Le quatrième est que non, dit-il, l’Iran ne crée pas de bases en Syrie à la frontière d’Israël mais épaule les Syriens, à leur demande, dans leurs propres bases. Quant au cinquième point, il est que la stabilité régionale ne pourrait être atteinte qu’au travers de négociations directes entre l’Arabie saoudite et l’Iran mais que les Saoudiens en refusent l’ouverture.
Si l’on traduit, cela peut vouloir dire trois choses, également inquiétantes. Le compromis nucléaire, premièrement, est enterré car les Iraniens ne feront pas les concessions sur les missiles qui permettraient aux Européens d’empêcher les Américains de renier leur signature. La tension avec Israël risque, en deuxième lieu, de s’aggraver car l’Iran s’installe bel et bien dans des bases, iraniennes ou pas, proches de la frontière israélienne. Et troisièmement, la stabilisation du Proche-Orient n’est pas pour demain puisque les Saoudiens ne sont pas disposés à y reconnaître une zone d’influence iranienne.
Le pire, oui, est devant nous et la seule question à poser aujourd’hui à M. Poutine est la suivante : en quoi cela sert-il votre pays ?
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