L’Europe tâche de retenir la Grande-Bretagne et de ne pas se déchirer sur les réfugiés. On ne sait pas encore si elle y parviendra mais le seul fait qu’elle ait à faire cet effort dit l’état dans lequel elle est, celui d’une puissance en gestation, unie par des règles, une monnaie et un marché communs mais toujours plus divisée par la diversité de ses politiques économiques, de ses niveaux de développement et de ses tropismes diplomatiques.
L’Europe est au milieu du gué. L’on sait moins que jamais si, et comment, elle réussira à faire l’autre partie du chemin alors qu’elle aurait tant besoin de resserrer ses rangs sur le front économique et face à l’instabilité de ses frontières orientales et méridionales. L’Europe est un point d’interrogation mais le plus inquiétant est qu’elle ne soit pas la seule à l’être.
Prenons, d’abord, les Etats-Unis.
Ils ne veulent pas se réengager au Proche-Orient. C’est leur droit et on les comprend après leurs mésaventures irakienne et afghane mais peut-on vraiment, lorsqu’on est la première puissance mondiale, se désintéresser à ce point d’une région où l’on fut si longtemps tout ?
C’est au moins difficile parce que vos alliés vous le reprochent et que des puissances régionales aussi incontournables que la Turquie ou l’Arabie saoudite n’en font plus qu’à leur tête tandis que la Russie s’engouffre dans la brèche. Qu’ils s’y engagent quand il ne le fallait pas ou s’en désengagent quand il ne le faudrait plus, les Etats-Unis ne font ainsi que semer le chaos au Proche-Orient et qu’inquiéter, par ricochets, leurs alliés asiatiques et centre-européens qui ont tout lieu de se demander s’ils peuvent encore compter sur eux.
Le deuxième grand point d’interrogation est la Chine, le pays qui tirait la croissance mondiale depuis trois décennies et dont l’économe fléchit désormais. La Chine entre dans une très incertaine période et la spectaculaire augmentation de ses dépenses militaires laisse penser que de trop graves difficultés intérieures pourraient la conduire à une agressivité extérieure dont elle donne déjà des signes.
Et puis il y a, bien sûr, la Russie.
Les Etats-Unis ne pensant plus qu’à leur compétition avec la Chine et l’Union européenne s’obstinant à rester un nain politique et militaire, la Russie se sent pousser des ailes.
Elle veut se réaffirmer en superpuissance mais elle n’est qu’une puissance pauvre, encore appauvrie par l’effondrement des cours du pétrole. La Russie n’a pas les moyens de son ambition et cela fait d’elle le contraire d’une force tranquille.
Il faudrait encore citer bien d’autres Etats déstabilisés ou déstabilisateurs mais le plus préoccupant de tous est, pour l’heure, la Turquie car elle ne sait plus comment faire face à l’affirmation des Kurdes irakiens et syriens qui donne inévitablement des idées à sa propre minorité kurde. Entre une Europe qui la repousse, des Américains qui la lâchent et un Proche-Orient où elle ne trouve plus sa place, la Turquie est, elle aussi, un point d’interrogation.
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