Une autoroute chinoise et une montagne de dettes : le Monténégro appelle l’UE à l’aide

Entrée du chantier chinois de l’autoroute du Monténégro pour laquelle le pays a emprunté 1 milliard de dollars qu’il ne peut plus rembourser.
Entrée du chantier chinois de l’autoroute du Monténégro pour laquelle le pays a emprunté 1 milliard de dollars qu’il ne peut plus rembourser. ©AFP - Savo PRELEVIC / AFP
Entrée du chantier chinois de l’autoroute du Monténégro pour laquelle le pays a emprunté 1 milliard de dollars qu’il ne peut plus rembourser. ©AFP - Savo PRELEVIC / AFP
Entrée du chantier chinois de l’autoroute du Monténégro pour laquelle le pays a emprunté 1 milliard de dollars qu’il ne peut plus rembourser. ©AFP - Savo PRELEVIC / AFP
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Le Monténégro ne peut pas rembourser un emprunt d’un milliard de dollars à la Chine pour la construction d’une autoroute, et fait appel à l’Union européenne pour l’aider. Un signe de la lutte d’influence qui se déroule dans les Balkans.

Le Monténégro est l’une des Républiques issues de l’ex-Yougoslavie, indépendante depuis 2006. En 2014, il a signé un contrat avec la Chine pour la construction d’une autoroute, grâce à un prêt chinois d’un milliard de dollars. Aujourd’hui, ce petit État de 600.000 habitants ne peut pas payer, et appelle l’Union européenne à l’aide.

C’est en résumé ce qu’on appelle le « piège de la dette », un reproche souvent adressé à la Chine dans le cadre de ses nouvelles « Routes de la Soie » : la construction d’infrastructures au prix d’un endettement massif envers Pékin.

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Le gouvernement du Monténégro a changé l’an dernier, après avoir battu aux élections le parti au pouvoir depuis trente ans, depuis l’époque yougoslave. Il n’est donc pas responsable de cet emprunt chinois. Mais la première échéance de remboursement arrive en juillet, alors que l’autoroute est encore inachevée, et le Monténégro en crise ne peut pas payer. Il risque de devoir rembourser la Chine en terres s’il fait défaut.

Dans une interview au « Financial Times », le ministre des finances du Monténégro, Milojko Spajic, demande à l’Union européenne de l’aider à rembourser la Chine. « Ce serait une victoire facile » pour l’Europe, ajoute le ministre, sans se cacher de jouer des rivalités géopolitiques pour sortir son pays de ce mauvais pas.

Loin des regards, les Balkans et l’Europe centrale sont le théâtre de luttes d’influence bien réelles. A la présence traditionnelle de la Russie, s’est ajoutée celle de la Chine, qui y a vu une porte d’entrée sur le continent européen. Pékin a mis en place à partir de 2012 une structure de dialogue baptisée « 17+1 », le « 1 » étant la Chine, et les « 17 » certains membres de l’Union européenne comme la Hongrie ou la Grèce, et d’autres hors UE, principalement dans les Balkans occidentaux. 

A coups de milliards de dollars, Pékin a racheté des infrastructures, comme le port du Pirée en Grèce ou des entreprises privatisées au Portugal, profitant de la crise de la dette ; et multiplié les crédits dans les Balkans pour des projets qui ne trouvaient pas d’autre financement. Une influence qui a fini par inquiéter en Europe.

Il n’y a pas encore de réponse officielle de l’Union européenne à l’appel du Monténégro, mais certaines sources à Bruxelles font valoir la difficulté administrative et politique de payer pour rembourser des emprunts mal avisés à un pays tiers.

Mais l’enjeu est d’abord géopolitique, et c’est comme ça qu’il devrait être perçu. L’Europe a trop longtemps négligé ses voisins des Balkans, zone d’instabilité à tous points de vue. Elle s’est récemment réveillée, adoptant une stratégie leur ouvrant une « perspective européenne », une adhésion possible après une longue préparation. C’est au nom de cette possible adhésion que le Monténégro lance aujourd’hui son appel à l’aide.

François Heisbourg, l’ancien Président de l’Institut international des études stratégiques de Londres, estimait hier sur Twitter que l’Union européenne devrait aider le Monténégro à se libérer de son créditeur chinois, au prix d’une plus grande transparence de sa gestion et même d’une enquête sur une éventuelle corruption. 

Affaire à suivre car elle sera révélatrice de la capacité de l’UE à faire-face à la drôle de guerre d’influence qui se déroule dans son arrière-cour.

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