Les manœuvres spectaculaires russes et chinoises dans l’Extrême-Orient russe envoient le signal de l’entente Moscou-Pékin contre un monde dominé par les Américains.
S’il fallait un symbole des nouveaux clivages du monde actuel, « Vostok 2018 », les plus grandes manœuvres militaires depuis la fin de la guerre froide, qui se déroulent depuis hier en Sibérie et dans l’Extrême-Orient russe serait un bon choix. 300 000 hommes, des milliers d’avions et de chars, mais surtout, pour la première fois, la participation de troupes venues de Chine, le grand voisin autrefois allié, puis ennemi, puis de nouveau partenaire privilégié dans la bascule du monde.
L’une est victime d’une guerre commerciale américaine, l’autre subit des sanctions des Etats-Unis et de l’Europe. Tout pousse la Chine et la Russie dans les bras l’une de l’autre.
Le président russe Vladimir Poutine et le numéro un chinois Xi Jinping se sont une nouvelle fois rencontrés hier à Vladivostok, célébrant leur entente tandis que leurs troupes jouaient à la guerre. Histoire de montrer que loin d’être des parias, ils incarnent un pôle de puissance majeur dans ce monde en pleine redéfinition.
La Chine et la Russie ne sont pas des amis naturels. En particulier dans cette région de l’Extrême-Orient russe qui appartenait à la Chine jusqu’au milieu du 19ème siècle, et dont la Russie s’est longtemps demandée si la Chine redevenue forte n’aurait pas dans la tête de la récupérer un jour…
Les méandres de l’histoire compliquent un peu plus la donne. En 1949, après sa victoire, Mao Zedong prit aussitôt le train -il détestait l’avion…- pour Moscou qui était alors la Mecque du communisme mondial. Il proclama son amour pour Staline et déclara « l’URSS d’aujourd’hui, c’est la Chine de demain ».
Mais cette idylle ne survit pas longtemps à la disparition du « petit père des peuples », et en 1960 ce fut la rupture sino-soviétique, la rivalité entre deux pôles du communisme mondial, et même un bref conflit frontalier sur un affluent du mal nommé fleuve Amour.
Il a fallu attendre l’arrivée de Vladimir Poutine à la tête de la Russie pour que les relations se réchauffent, et prennent progressivement la forme sinon d’une alliance, en tous cas d’un partenariat de plus en plus stratégique. Son moteur ? Une hostilité commune à un monde dominé par les Etats-Unis et à l’ordre libéral de l’après-guerre.
Malgré leur proximité, Moscou et Pékin restent prudents à ne pas reproduire les erreurs du passé. Surtout que leurs intérêts ne sont pas toujours concordants, et que la différence de poids économique atteint de telles proportions qu’elle peut poser problème.
En 1992, le Produit intérieur brut de la Russie était légèrement supérieur à celui de la Chine. Mais aujourd’hui, celui de la Chine est dix fois plus grand ! De quoi créer des dépendances que Poutine redoute, même si les sanctions occidentales ne lui laissent guère de choix. Reste le terrain militaire, point fort d’une Russie qui en a fait le vecteur de son retour au centre du jeu international.
Avec ces manœuvres communes, Moscou et Pékin envoient en tous cas un signal clair, et ce n’est pas celui de l’apaisement.
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