

Ces deux jeunes femmes, l’une Chinoise, l’autre Saoudienne, ont été condamnées le même jour à de lourdes peines de prison dans leurs pays respectifs, pour avoir défendu leurs droits. Elles sont les visages d’un monde où, en toute impunité, règne l’arbitraire aux dépens du droit.
Zhang Zhan et Loujain al-Hathloul ne se connaissent pas, et pourtant elles ont beaucoup de choses en commun. Ces deux jeunes femmes, trentenaires, l’une chinoise, l’autre saoudienne, ont été toutes les deux condamnées hier à de lourdes peines de prison dans leurs pays respectifs, pour avoir défendu le droit.
Elles sont aujourd’hui les visages de l’arbitraire qui règne dans ces deux pays aux régimes politiques différents, aux civilisations éloignées, mais qui partagent la même négation des droits du citoyen, et singulièrement de la citoyenne.
Elles sont aussi les victimes d’une époque dans laquelle deux puissances émergentes se sentent suffisamment fortes pour s’affranchir de toute pression internationale en se livrant à des parodies de justice.
Ces deux jeunes femmes ont bravé des interdits pour se battre pour des droits qui leur semblaient importants : le droit à l’information par temps d’épidémie pour Zhang Zhan ; le droit de conduire et donc l’égalité hommes-femmes pour Loujain al-Hathloul.
Zhang Zhan, avocate de formation, s’est rendue à Wuhan, l’épicentre du coronavirus en Chine, au début de l’année, pour témoigner des ravages de ce qui n’était pas encore une pandémie. Elle est devenue journaliste-citoyenne dans un pays où le journalisme n’existe que s’il obéit aux ordres du Département de la Propagande du Parti communiste.
Elle a témoigné sur le chaos dans les hôpitaux, la détresse de la population confinée sans préavis, les entraves à la liberté d’information ; bref, tout ce que le pouvoir chinois veut aujourd’hui faire oublier dans le récit de sa victoire triomphale sur le virus sous la direction du camarade Xi Jinping.
Pour ce crime, elle a été condamnée à quatre ans de prison, une peine disproportionnée, à l’issue d’un procès à huis-clos, expédié en quelques heures. Selon son avocat, elle a refusé de répondre aux questions de ses juges, estimant que les lois chinoises n’étaient pas respectées.
De son côté, Loujain al-Hathloul, une jeune femme féministe, connue pour ses posts un brin provocateurs sur les réseaux sociaux, était déjà en détention dans des conditions très sévères depuis bientôt trois ans, pour avoir réclamé le droit de conduire pour les femmes. Le prince héritier a accordé ce droit quelques mois après son arrestation ? La jeune femme doit quand même être condamnée car seul le prince a le droit de décider, le peuple n’a pas le droit de demander.
Loujain al-Hathloul a été condamnée à cinq ans et huit mois de prison par un tribunal spécialisé dans le terrorisme. Et, pour satisfaire les Occidentaux, la peine a été soigneusement calibrée avec une partie avec sursis : elle pourra être libérée dans quelques mois, mais avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête pendant trois ans, et une interdiction de quitter le Royaume pendant cinq ans. Libre mais socialement étouffée. Elle va faire appel et pourrait reprendre une grève de la faim interrompue cet automne, pour protester contre une condamnation qui n'aurait jamais dû être.
Ces deux jeunes femmes que tout sépare et que tout rapproche sont les victimes de régimes qui entendent moderniser leurs pays par le haut, sans laisser le moindre espace à la contestation ou au dialogue. Ils savent que de tels verdicts seront condamnés en Occident, mais ils ont pris la mesure du cynisme ambiant. Ainsi, la Chine se moque tellement des réactions qu’elle a tenu ce procès au moment même où elle mettait la dernière main à un traité d’investissement avec l’Union européenne, qui pourrait être annoncé aujourd’hui.
Les intérêts économiques ou stratégiques ont plus de poids que les aspirations de deux jeunes femmes à la justice. On ne feindra pas d’être surpris.
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