

Comment parler de religions, de spiritualité aux enfants et aux adolescents, à l’école et à la maison ? C’est cette question qui peut effrayer les parents et les enseignants, que nous avons choisie d’aborder ce matin…
- Frédéric Lenoir Écrivain
- David Groison Rédacteur en chef du magazine Phosphore
- Isabelle Saint-Martin Directrice d’études à l’École Pratique des Hautes- Études
Le fait religieux et les questions liées à la spiritualité traversent l’espace public et médiatique.
Les enseigner permet de mieux comprendre certains débats politiques et sociétaux… Des faits religieux qui irriguent l’actualité comme par exemple les affrontements entre Catholiques et Protestants en Irlande du Nord, ou entre Sunnites et Chiites dans le monde arabo-persique.
Détenir de solides rudiments d’histoire des religions permet également de mieux comprendre les rites et les pratiques… Pourquoi par exemple certains font le Ramadan en ce moment et d’autres se réunissent le vendredi soir pour célébrer le Shabbat.
Et puis les faits religieux sont de formidables outils de culture.
Cela permet de mieux comprendre par exemple les subtilités du plus grand tableau exposé au Musée du Louvre, Les Noces de Cana de Véronèse, ou encore les références religieuses dans la saga Harry Potter ou dans Superman. Par ailleurs, sensibiliser les jeunes aux spiritualités et aux sagesses venues d’Orient permet de s’ouvrir à d’autres manières de voir le monde…Comme le rappelle l’un de nos invités Frédéric Lenoir dans son nouveau conte initiatique.
Ce matin nous prenons un peu de recul, en essayant de transmettre aux enfants et aux adolescents le goût des faits religieux ou de la spiritualité, que l’on soit croyant, athée, ou agnostique, bref devenir plus libre et critique, en pleine conscience !
Extraits de l’émission :
L’association "Coexister" regroupe des jeunes de 15 à 35 ans de toutes confessions, des agnostiques et des personnes athées. elle a vocation à créer du lien social. Elle intervient aussi en milieu scolaire dans le cadre d_'ateliers de sensibilisation,_ on y parle des préjugés, de laïcité et de vivre ensemble. "Dans notre association, personne n’est assigné à sa condition, toutes personnes peut être invitée à partager les rites d’une religion qui ne serait pas la sienne. C’est une manière de susciter la rencontre et le dialogue. " explique David Amanou. Pour Deborah, membre de l’association de confession catholique, c’est l’envie de rencontrer d’autres formes de spiritualités et de participer à une société ou chacun puisse vivre sa religion en toute quiétude qui a été moteur. Pour Amin, également adhérent à Coexister ce sont les attentats de 2015 qui ont créé le déclic: « S_uite aux discours négatifs sur ma foi, j’ai eu envie de rejoindre l’association. »_
Ali Rebehi : Peut-on parler des religions à l’école et comment ?
Isabelle Saint Martin, Directrice d’études à l’Ecole pratique des Hautes-Etudes :
"A l’Education Nationale on parle d’enseignement des faits religieux, c’est une approche laïque qui remonte à 1880, soit bien avant la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. On parle de religions à l’école, puisque c’est un sujet très présent dans la société, mais on en parle de manière différente, pas de manière confessante, on en parle de manière distanciée, sous l’angle du savoir. "
Frédéric Lenoir, philosophe, sociologue et écrivain :
"Je suis un militant de la première heure. Enseigner les faits religieux à l’école, c’est très important, ne serait-ce que pour des raisons culturelles, pour connaitre notre patrimoine, notre Histoire et celle des autres. Et pour apprendre à coexister.
On a fait beaucoup de progrès depuis vingt-cinq ans, on enseigne le fait religieux en Histoire, en Français, dans les matières artistiques…"
A. Rebeihi : Qu’est-ce qu’on enseigne précisément ?
Isabelle Saint Martin : "Le choix de la France c’est d’aborder les faits religieux à travers les différentes matières, il n’y a donc pas de matière spécifique. On distingue la connaissance, propre à tous, des croyances qui sont le fait de chacun, des familles et des enfants. "
David Groison, rédacteur en chef du magazine Phosphore : " Ce qui manque à l’école ce sont toutes ces questions sur les rites que se posent les adolescents : Qu’est-ce que le ramadan ? Pourquoi les juifs et les musulmans sont-ils circoncis… On essaie donc de leur amener des réponses sur ces questions avec notre podcast ( Oh my God ). "
Isabelle Saint Martin : "On ne fait pas tout à l’école, il y a la liberté pédagogique de chaque enseignant dans la manière de traiter les aspects du programme. Mais on peut aborder les rites, les symboliques, les grands récits et les textes fondateurs.
Aborder les grands textes religieux à l’école c’’est mettre en œuvre un esprit de laïcité qui ne s’interdit aucun champ du savoir. Je crois beaucoup à l’approche des faits religieux par les arts.
Il y a des arts, pas forcément savants, dans toutes les cultures religieuses (architecture, peinture, enluminure etc.) Construire un regard sur une œuvre cela introduit une médiation, cela permet de déplier des symboliques et de construire un regard commun. En passant par les arts on contextualise et on partage des imaginaires, on voit comment chaque religion se distingue ou se rejoint."
A.R : Comment expliquer la différence entre une sagesse, une philosophie, une spiritualité, une religion ?
**Frédéric Lenoir : "**Il y a un questionnement universel depuis l’aube des temps sur la place de l’être humain dans l’univers : Qu’est-ce qu’il fait sur terre ? Qu’est-ce qu’il y a après la mort ? Les religions sont des réponses culturelles différentes à ces questions universelles d’essence spirituelle. Les religions (religere : relier étymologiquement) c’est du collectif alors que la spiritualité c’est un questionnement individuel."
AR : Et la différence entre la religion et la philosophie ?
**Frédéric Lenoir : "**La religion repose sur des croyances et du rituel partagé alors que la philosophie repose uniquement sur la raison, c’est-à-dire cette réflexion que fait chaque humain et qui permet le débat. Socrate peut dialoguer avec Montaigne, Spinoza… alors que dans les croyances c’est beaucoup plus difficile car on est lié à des cultures, des dogmes distincts qui fait que l’on cherche à se tolérer alors que dans la philosophie on cherche à converger vers une vérité qui nous transcende et nous dépasse."
La suite à écouter
Avec :
- David Groison, rédacteur en chef du magazine Phosphore. Concepteur éditorial du podcast « Oh my God ».
- Isabelle Saint Martin, directrice de l’IESR (Institut Européen en Sciences des Religions) et directrice d’études à l’Ecole pratique des Hautes-Etudes. Elle a écrit Peut-on parler des religions à l école ? paru aux éditions Albin Michel le 4 septembre 2019.
- Frédéric Lenoir, philosophe, sociologue et écrivain. Il est docteur de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS). Son dernier livre Juste après la fin du monde est paru aux éditions Robert Laffont le 8 avril 2021.
Dorothée Barba présente la série d'émissions " Barbatruc", consacrée à la religion expliquée aux enfants et dont le dernier épisode sera dédié au bouddhisme et diffusé le dimanche 2 mai à 17h00 sur France Inter. Retrouvez les autres épisodes en podcast sur l'application France Inter.
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