Qu'est-ce qui nous pousse à acheter (ou pas) ?

Qu'est-ce qui nous pousse à acheter ?
Qu'est-ce qui nous pousse à acheter ? ©Getty - Peter Cade
Qu'est-ce qui nous pousse à acheter ? ©Getty - Peter Cade
Qu'est-ce qui nous pousse à acheter ? ©Getty - Peter Cade
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Par quelle force mystérieuse avons-nous envie d’acquérir le smartphone dernier cri, cette tondeuse qui nous fait de l’œil, ce livre qui nous tend les mains, ce paquet de gâteau, cette paire de chaussette, cette petite robe noire ?

Qu’est-ce qui nous pousse à acheter ? Quels sont les mécanismes psychologiques qui suscitent l’acte d’achat ?  Quels sont les zones cérébrales impliquées ? Pourquoi certains cèdent-ils plus souvent que d’autres à la pulsion d’achat ? Quelles satisfactions retirons-nous après avoir acquis un bien de consommation ou un service ?

Autant de questions qu' Ali aborde avec ses invités :

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Sylvie Chokron, Directrice de Recherches CNRS. Responsable de l'Unité Fonctionnelle 'Vision et Cognition' Fondation Ophtalmologique Rothschild.

David Colon, professeur agrégé d'histoire à l'IEP de Paris et chercheur permanent à Sciences Po où il enseigne notamment l'histoire de la propagande, les techniques de persuasion et l'éthique de la communication. Auteur de "Les maîtres de la manipulation" (Editions Tallandier).

Caroline Cuny, docteur en Psychologie cognitive, HDR, est professeure de Marketing à Grenoble École de Management.

Inconsciemment influencés par des techniques de persuasion ou victimes consentantes ?

David Colon : "Nous sommes les victimes de l'industrie de la publicité qui, depuis plus d'un siècle, a développé des techniques de persuasion qui font appel à certains réflexes qui nous sont inconnus puisqu'ils ont trait au fonctionnement de notre cerveau. Nous sommes consentants dans la mesure où nous acceptons de céder à la tentation qui nous est exposée. Mais en même temps, c'est une tentation savamment conçue".

Caroline Cuny : "Nous sommes victimes de mécanismes psychologiques automatiques en termes de prises de décision. Les recherches montrent qu'on n'est pas du tout conscient".

Il est difficile de résister parce qu'il est difficile d'être conscient de tout les mécanismes psychologiques en jeu

- Sylvie Chokron

Sylvie Chokron : "La plupart de ces processus sont totalement implicites et on ne sait pas que, dans notre cerveau, il y a un combat qui se mène à chaque instant entre les régions de notre cerveau qui nous disent que acheter cet objet-là va nous faire vraiment plaisir. Vous avez un plaisir immense devant cet objet.

Il y a une région (cortex préfrontal) à l'avant de votre cerveau qui vous pousse à vous interroger si vous en avez vraiment besoin.  Il y a cette petite région (l'insula) qui s'active normalement lorsqu'on pense à de la douleur physique et lorsqu'on se rend compte qu'on va regretter nos achats plus tard parce que trop chère par exemple.

Il y a ceux qui vont acheter beaucoup et se laisser emporter par le circuit du plaisir. Ceux qui vont au contraire se restreindre et ont une insula qui veille et les mesure un peu plus".

Trois grandes catégories d'influence

CC : "Il y a des caractéristiques qui vont être plutôt individuelles (des traits de personnalité…), des influences plutôt sociales (j'appartiens à un groupe qui me donne envie de faire comme eux…) puis les influences plutôt situationnelles, contextuelles (quand un vendeur m'incite à acheter, besoin de se réconforter…) et mon état physiologique, liés aux besoin de première nécessité".

La décision d'achat en ligne beaucoup plus perverse encore

SC : "Le principe d'achat en un clic a été pensé pour acheter sans réfléchir. D'autant que cliquer, c'est devenu une tâche quasi automatique et rapide. Des études ont montré que la région du cerveau (l'insula), qui s'active lorsqu'on prédit qu'on aura une douleur morale ultérieure, s'active moins lorsqu'on achète en ligne !

L'achat en ligne reste davantage lié à une expérience sensorielle qui vient renforcer le plaisir d'acheter (comme c'est le cas en magasin mais en plus exacerbé).

CC : Notre cerveau a cette capacité d'activer les mêmes aires cérébrales quelque soit la manière de percevoir le produit désiré. C'est le phénomène de la cognition incarnée qui est en cause.

Le pouvoir social et culturel de l'image de marque

SC : "Il s'agit d'associer une image symbolique à un produit ou à une marque en général, de sorte d'encourager l'acte d'achat en fonction souvent de ces repaires culturels. L'image de marque va jouer sur notre désir de reconnaissance, d'identité. Parce qu'en achetant cette marque-là, notre identité va s'identifier au stéréotype de la publicité pour se sentir valorisée.

Non seulement on est influencé dans nos choix par la marque, mais on est aussi influencé au niveau de notre expérience sensorielle (Exemple : la menthe est meilleure si elle est verte ; le foie gras est meilleur s'il est très cher et le vin est meilleur si on nous dit que c'est un grand cru classé…). La publicité agit sur notre mémoire implicite, inconsciente".

CC : "On fait un lien direct avec nos expériences, la culture va imprégner toute ma mémoire, un certain nombre de valeurs vont être associées à mes actions de consommation qui vont être véhiculées par la culture"."

Notre désir de nouveauté stimulé

SC : "On a une fonction dans notre cerveau qui s'appelle l'attention. C'est la capacité à réagir à la nouveauté. Notre cerveau aime être surpris, surtout si c'est pour quelque chose d'agréable. Cette nouveauté va libérer de la dopamine dans notre cerveau, et activer tout le circuit du plaisir".

Les pouvoirs de l'emballage produit

SC : "Le packaging joue vraiment sur tous nos mécanismes perceptifs, conscients et inconscients notamment les labels qui, à chaque fois, augmentent l'intention d'achat chez les consommateurs".

C'est tout un art de persuader les consommateurs de croire en une promesse culturelle. La publicité mise sur la collecte de données et analyse les profils psychologiques des consommateurs

- David Collon

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