La politesse ne va pas souvent de soi, et pourtant elle rend le monde tellement plus agréable ! Ali Rebeihi interroge dans « Grand Bien Vous Fasse ! » ce principe qui se perd de plus en plus...
Et si, en cette période heurtée, où notre société est plus que jamais fracturée, la politesse nous aidait à naviguer dans ce que Jérôme Fourquet appelle « l’archipel français », cette France éparpillée façon puzzle qui n’arrive plus à se parler. Car comme nous le rappelle André Comte-Sponville, « la politesse est la première vertu, à l’origine peut-être de toutes ».
Parmi ces vertus : le respect d’autrui sans lequel toute société serait invivable. Mais la politesse, cette huile essentielle aux relations sociales est parfois mal vue, car synonyme d’hypocrisie, de duplicité ou encore d’inauthenticité. Et pourtant que serait une société sans « je vous remercie », « s’il-vous-plait », ou « après-vous »…
« Après vous » justement, cette formule de politesse qui « devrait être la plus belle définition de notre civilisation » écrivait le philosophe Emmanuel Lévinas.
Ce matin, Ali Rebeihi explore avec ses invités les bienfaits de la politesse, ses différentes facettes et sa perception dans notre société.
Définition de la politesse
Jean Pruvost rappelle tout d’abord que le mot politesse vient de l'italien « politeza, polito » qui veut dire « polis ». La politesse sert donc à l’origine à polir les relations sociales, bien souvent rugueuses.
Olivier Babeau définit la politesse comme « l'ensemble des règles qui régissent le comportement, le langage à adopter dans une société ».
Un langage qui s’apprend
Les quatre invités sont d’accord pour dire que la politesse se cultive et s’apprend. Pour Laurence Caracalla, "c’est clairement un code. C'est un code qui permet d'échanger, qui permet de se comprendre."
Jean Pruvost soutient que les bonnes manières s’apprennent. "C'est comme pour l'orthographe." Pour autant, il explique qu’il ne tient pas à accuser les mauvais comportements. Il préfère étudier la politesse et aider à sa généralisation. "Celui qui a eu le plus de facilité aide celui qui en a le moins."
Olivier Babeau : "On dit aujourd'hui aux enfants soyez vous-même et c'est important qu'ils découvrent qui ils veulent être et ce qu'ils veulent être. Mais c'est formidable aussi de leur dire, mais oui, la vie c'est aussi des codes et ceci vous n'êtes pas tout à fait vous-même."
Les quatre piliers de la politesse
Dominique Picard propose quatre principes fondamentaux nécessaires à la politesse.
La sociabilité
Privilégier toujours le confort des groupes à son confort personnel. Pour elle, la politesse nécessite d’observer ceux qui nous entourent et de faire preuve de retenue. Il ne faut donc pas céder à ce que l’on pourrait prendre pour de l’authenticité égoïste.
L’équilibre
S’assurer que tout le monde donne et reçoit.
Le respect d’autrui
Garantir que l’autre se sente bien et reconnu. Pour elle, les individus peuvent être gênés lorsque quelqu’un en face d’eux prend trop de place. "On ne doit pas montrer ce qu'on a à l'intérieur de soi. La politesse est un ensemble de règles faites pour que tout aille bien en surface entre les gens. On ne s'occupe pas de l'intérieur."
Mais elle insiste aussi sur l’importance de la reconnaissance de nos pairs. "On a besoin d'être reconnus par les autres pour se sentir exister. Quand on dit bonjour à quelqu'un. Ce n'est pas pour lui souhaiter une bonne journée, c'est simplement pour lui signifier qu'on le reconnaît qu'il existe à nos yeux. Si on ne lui dit pas bonjour ou si on ne répond pas à son bonjour, c'est une façon de lui signifier qu'il n'existe pas pour nous. C'est une forme de violence symbolique."
Le respect de soi.
"Se présenter devant les autres comme une personne respectable. C'est aussi une façon de les honorer."
Cinq règles de politesse à retenir
Laurence Caracalla donne cinq gestes de politesses indispensables à ses yeux.
- Dire merci. Elle conseille de ne pas négliger les remerciements et de remercier tout le monde. « C’est très agréable de remercier avec le cœur. Par contre, il ne faut pas remercier en fonction du rang social. Parce que là, c'est vraiment le comble de la grossièreté à mon avis. Parfois, on néglige les remerciements aux serveurs pour les serveurs, mais évidemment, ça devrait être un automatisme. »
- Sourire. Pour Laurence Caracalla, le sourire est une vitrine. « Vous pouvez être le plus courtois possible, connaître les règles du savoir-vivre par cœur, si vous ne souriez pas, ça ne sert strictement à rien. Il faut savoir sourire. »
- Savoir s’excuser. Laurence Caracalla : « Beaucoup de gens ont du mal à s'excuser, avouer qu'ils ont eu tort. Ils n'y arrivent pas parce que s'excuser, c'est être humble. Et les orgueilleux ont beaucoup de mal avec ça. Mais une fois qu'on a compris que s'excuser, ça pouvait être aussi un énorme soulagement, que se tromper, ça peut arriver à tout le monde, on peut énormément avancer. C'est un très grand pas en avant et c'est aussi une histoire de maturité. Je crois que, en vieillissant, on y arrive beaucoup plus facilement. »
- Bien introduire quelqu’un dans un groupe. Pour la journaliste, il est important de présenter une personne, si on l’introduit dans un groupe où elle ne connaît personne. « Lorsqu'on arrive dans un groupe et qu'on est accompagné par quelqu'un qui ne connaît personne. Il faut la présenter, l'introduire, donner son nom, dire même deux ou trois choses sur elle pour engager la conversation. »
- Regarder les gens dans les yeux lorsque l’on parle. Laurence Caracalla : « Lorsque l’on parle aux gens, on les regarde droit dans les yeux et on ne regarde pas ces chaussures ni derrière leurs épaules. »
Autres sujets abordés
- Sommes-nous moins polis qu’avant ?
- Pourquoi la politesse n’est plus au goût du jour ?
Invités :
- Jean Pruvost : Lexicologue et historien de la langue française. Professeur émérite de lexicologie et de lexicographie à l’Université de Cergy-Pontoise. Directeur éditorial des Editions Honoré Champion. Membre de l’Institut de langue française, du Conseil national des Universités et de divers comités de rédaction de revues internationales. En 2019, Jean Pruvost est distingué par l'Académie française qui lui remet la Grande Médaille de la Francophonie. Livre (dont) : « La Politesse – Au fil des mots et de l’histoire », éd. Tallandier, avril 2022.
- Dominique Picard : Psychologue et Psycho-sociologue et professeur émérite à l’Université Paris 13. Elle a pour thème de recherche les interactions sociales, les relations et la communication interpersonnelles. Livres (dont) : « Politesse, savoir-vivre et relations sociales », coll. Que sais-je, 6e édition, PUF, octobre 2019. « Pourquoi la politesse ? Le savoir-vivre contre l’incivilité », Seuil, 2007.
- Olivier Babeau : Professeur à l’Université de Bordeaux, économiste et essayiste. Il préside l’Institut Sapiens dont il est le cofondateur. Livre: "Eloge de l'hypocrisie" éd. De Cerf
- Laurence Caracalla, journaliste. Livre : Le savoir-vivre pour les nuls" éd.First
- La chronique Les Choses (presque) Vues d’Eric Libiot.
- Et les questions toujours pertinentes de Marie-Laure Zonszain.
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