Que faire de sa vieillesse après la retraite ? : épisode 2/4 du podcast Concilier vie personnelle et travail

La vraie vie à la retraite ?
La vraie vie à la retraite ? ©Getty - The Good Brigade
La vraie vie à la retraite ? ©Getty - The Good Brigade
La vraie vie à la retraite ? ©Getty - The Good Brigade
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Semaine spéciale sur France Inter : les retraites, parlons-en ! Et aujourd'hui, dans Grand bien vous fasse, que faire de sa vieillesse après la retraite ? Que faire de ce temps qu’il reste après une vie de labeur ou d’une période de chômage ?

Que faire de ce temps qu’il reste après une vie de labeur ou d’une période de chômage ? Doit-on obéir à la tyrannie du « bien-veillir » comme le dénonce l’un de nos invités, le sociologue Michel Billé ? Le bien-veillir qui se fonde sur la peur de vieillir, de mourir et qui impose une normalisation de nos comportements, comme il fallut bien s’appliquer à l’école, bien servir à l’armée, bien travailler en entreprise, bref se conformer au modèle imposé ? Vieillir oui, mais pour qui, pour faire quoi ? C'est ce que se demande de son côté notre invité Philippe Abastado.

Avec l’arrêt de l’activité professionnelle, les remises en questions sont fréquentes. Remise en question identitaire, sociale, intime, conjugale, familiale…

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Ce matin, nous explorons les enjeux du temps de la retraite où l’on peut se sentir inutile, où l’on peut ressentir de l’ennui, de l’inquiétude, de la tristesse ou au contraire de la joie, l’envie de s’engager, l’envie d’enfin paresser sans culpabiliser à la façon d’Alexandre le Bienheureux…

Être à la retraite, ce n'est pas être vieux

Pour le cardiologue Philippe Abastado, être à la retraite, ce n'est pas être vieux : « Il faut bien comprendre que les gens qui sont retraités ne se sentent pas vieux. Il y a une période très longue entre la retraite et ce qu'on appelle la vieillesse. Quand je rencontre des personnes âgées, ils me demandent pourquoi ils sont encore sur Terre et à quoi ils servent. La vraie question, ce n'est pas de faire du sport, de manger un peu moins, c'est pourquoi je suis sur Terre ? Et le livre essaie de parler à la personne âgée et non pas de la vieillesse à l'individu âgé. J'essaie de répondre à ces deux questions : pourquoi je suis sur Terre et à quoi je sers ? »

La vieillesse, une révélation tardive ?

Les remises en question et les crises de sens sont fréquentes à l'arrivée à la retraite. Surtout quand on se rend compte que l'existence s'est écoulée si rapidement. Comme disait Ovide, "les aînés nous viennent sans bruit". Pour l'invité de cette émission : « Souvent, la révélation est tardive. Elle ne vient pas de nous, c'est le regard de l'autre qui, du jour au lendemain, nous dit, tu n'es plus un jeune, c'est le regard de l'autre qui est terrible. Il faut ne jamais oublier qu'on n'est jamais seul. »

Donner du sens à sa retraite

Le temps de vie qui reste à partir du moment de la retraite est par essence plus court que celui où l'on est en activité, d'où l'importance du sens à donner à cette vie devant soi : « Il ne faut pas être dans l'absurde et ne pas comprendre. Il faut bien penser qu'on a une vie devant soi souvent et il arrive à un moment où le temps se retourne. On ne vit plus dans l'avenir, mais dans le passé, et ce moment peut être terrible. Ça se retrouve dans la manière de parler. On construit une sorte de rétro-planning. Dans les rêves également, à un moment, on rêve de l'avenir, et puis un jour, on pense au passé et les rêves sont ceux du passé. »

Le bien vieillir

Pour le sociologue Michel Billé, le bien-vieillir se fonde sur la peur qui nous fait insensiblement accepter, pour la conjurer, une normalisation de nos comportements sur plusieurs modèles : médical, économique, gestionnaire, sportif, préventif et finalement idéologique et global : « Nous vivons dans une société où l'on a le droit de vieillir à condition de rester jeune et cette injonction est d'un niveau d'absurdité incroyable parce qu'on ne peut pas vieillir et rester jeune. On ne peux qu'avancer en âge, autrement, ça voudrait dire que vieillir est devenu un terme péjoratif, alors qu'on a la chance de vieillir. Et j'ai cette chance qui me donne la possibilité d'être en relation avec les gens que j'aime. »

La normalisation des personnes âgées

Dans son livre, Michel Billé évoque la tyrannie du bien-vieillir qui oblige les personnes âgées à bien se comporter. Pour lui, il s'agit d'une tentative de normalisation des comportements des vieux, une volonté de les conformer à une norme afin de ne pas déranger la société, de les empêcher d'être indignes : « Ma génération a connu 68 et elle a montré qu'elle était capable de revendiquer jusqu'à obtenir cette capacité à se mobiliser et à se révolter. Cette capacité, cette génération ne l'a pas perdue et cette idéologie du bien vieillir vient rendre les comportements conformes à une norme qui évidemment éviterait cette mobilisation. La question est d'une actualité absolument remarquable avec la manière dont les vieux se mobilisent pour la retraite des jeunes. »

Pour Michel Billé, la vieillesse est une chance à la fois personnelle et collective, cette chance de vieillir, tous ne l'ont pas. Et nous qui l'avons, nous avons tendance à ne pas nous en emparer : « Il faut regarder le temps de vie qui nous sépare encore de la mort. Si elle me sépare encore, alors je peux en faire quelque chose, pour peu qu'un environnement qu'un entourage bienveillant m'y invite. »

Invités :

  • Philippe Abastado : cardiologue clinicien et directeur de recherche à l’Université Paris 7 en épistémologie appliquée à la médecine.

Auteur de publications scientifiques, il a écrit également un ouvrage de vulgarisation « Les Maladies cardio-vasculaires pour les Nuls » (éditions First, 2010) et un essai intitulé « Le dernier déni » (Albin Michel, 2018).
Livre : « Petit traité du vieillissement heureux », Albin Michel, 2 février 2023.

  • Michel Billé : Sociologue. Il codirige la Collection « L’âge et la vie » aux éditions Erès.

Ancien Directeur général adjoint de l'IRTS (« Institut régional du travail social ») de Poitiers. Consultant. Conférencier. Spécialisé dans les questions relatives à la vieillesse, aux handicaps et à la sociologie de la famille.
Livres : « Vieillir comme le bon vin - Pour une vieillesse effervescente ou pétillante », éditions Erès, 2 septembre 2021.
« La tyrannie du bienvieillir - Vieillir et rester jeune » (co-écrit avec Didier Martz), éditions Erès, Mars 2018.

Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

Les Savanturiers
4 min

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