Famille, amis : quand les trahisons deviennent nécessaires

Famille, amis : quand les trahisons deviennent nécessaires
Famille, amis : quand les trahisons deviennent nécessaires ©Getty - JGI/Jamie Grill
Famille, amis : quand les trahisons deviennent nécessaires ©Getty - JGI/Jamie Grill
Famille, amis : quand les trahisons deviennent nécessaires ©Getty - JGI/Jamie Grill
Publicité

La trahison est perçue comme un acte forcément mauvais, méchant, mesquin, qui entrainerait une perte absolue de confiance envers celui qui a trahi. Mais si trahir était bon pour nous et pour ceux qui nous entourent ?

À partir de quand les trahisons deviennent-elles nécessaires dans le cercle familial ? Ces trahisons familières qui nous empêchent d’être soi, par peur du conflit de loyauté, par faiblesse, par routine… Quand on se force par exemple à voir des amis avec lesquels on ne partage plus grand chose ou quand on s’oblige à se conformer à des désirs professionnels parentaux qui ne nous correspondent pas du tout…

Pourquoi trahir peut aussi devenir un acte d’indépendance, à condition de se dégager de la vision traditionnelle du traitre, type Judas ou Brutus. Et comment trouver le courage de rompre certains liens, certains engagements qui nous empêchent d’être soi…

Publicité

À l'antenne :

Nicole Prieur, philosophe et psychanalyste spécialisée dans les relations familiales. Directrice du Conseil scientifique du Ceccof (centre d’études cliniques des communications familiales). Auteure de "Les trahisons nécessaires - s’autoriser à être soi" (Robert Laffont, novembre 2021).

Egalement à l'antenne :

  • la chronique "Choses presque vues" de Julien Bisson, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Le Un.
  • Les questions toujours pertinentes de Marie-Laure Zonszain, cheffe du service Actualité chez Femme Actuelle.

_

Retrouvez ci-dessous des extraits de l'émission

Nicole Prieur : "Souvent, les gens disent "J'ai été trahi", "Il m'a tellement trahi" et ils s'arrêtent à ce niveau-là. Alors que les trahisons, bien qu'elles soient destructrices, peuvent être des moments aussi de grande renaissance. Ne trahissons pas la trahison : rendons-là à sa complexité".

Le changement ne peut pas faire l'économie d'un déplacement.

"Nul n'échappe à la trahison"

Nicole Prieur tient à faire une distinction entre les "traîtres qui ne sont que destructeurs" et les "traîtres éthiques" : "Les traîtres éthiques ce sont ceux qui complètent le processus : on se déplace, mais on reconnaît d'où on vient, on reconnaît la tradition qui nous a formés. Et même si à un moment donné, on a besoin d'en sortir pour un peu plus s'accomplir, on le fait en reconnaissant d'où on vient. Et ça, c'est important".

"La trahison est inhérente à toute forme de relation"

Forte de son expérience de psychanalyste et de thérapeute familial, Nicole Prieur a observé que "dans toute relation, il y a de la trahison potentielle. Et plus elle est importante, plus il y a des attentes.

Donc, dans toute relation, il y a des attentes portées sur l'autre - vraiment très chargées de projections. "On attend souvent que l'autre réponde plus à nos besoins qu'à son propre accomplissement". Et du coup, pour se libérer de ces attentes qui risquent de nous enfermer, on est quelquefois obligé de rompre avec certaines loyautés qui nous sclérosent.

Les loyautés nous construisent. Mais beaucoup de loyautés nous sclérosent aussi.

Ces trahisons ne sont pas toujours volontaires, mais elles sont inévitables

"C'est très important, parce que combien de fois j'ai pu voir des parents qui, malgré leur bonne volonté, malgré l'amour le plus sincère, amenaient des enfants à se trahir, à être vraiment malheureux, quelquefois même les détruisaient parce qu'ils avaient à leur égard trop de projections qui parlaient plus d'eux en tant que parents que de leurs propres enfants et de la singularité de leurs enfants".

Ça veut dire quoi, "être soi-même" ?

"De toutes les manières, être soi, ce n'est qu'un cheminement. C'est un processus qui nous amène à être de plus en plus fidèle à ce qui fait sens pour nous, à être cohérent avec nos valeurs fondamentales.

Être soi, c'est le but - tout en sachant qu'à partir du moment ou j'aurai l'impression d'arriver à être moi, déjà j'aurais besoin de me remettre en chemin, parce que déjà j'aurais besoin de me réinventer.

Être soi, finalement, c'est se réinventer sans cesse.

C'est une belle aventure dans laquelle la place des autres est infiniment précieuse et nécessaire".

Comment ne pas être un "traître salaud" ?

Une trahison réussie, c'est celle où on est parvenu à l'expliquer à l'autre, à la faire accepter. Selon Nicole Prieur, c'est dans la façon dont on gère nos trahisons que se joue la différence entre "traîtres salauds" et "traîtres éthiques".

"Que ce soit avec nos parents, des amis ou dans un couple, l'important c'est de reconnaître l'importance que ce lieu a eu dans mon développement. Je suis obligé de le quitter aujourd'hui parce que je me sens enfermé(e) mais je reconnais ce que je dois.

Et, pour aller plus loin, je reconnais la souffrance que je peux infliger à l'autre. C'est-à-dire que je mesure qu'effectivement, dans ce cheminement qui est pour moi irrépressible, je sais que je fais du mal à l'autre.

Si on doit dire quelque chose à cet autre-là, c'est : "Je reconnais ce que tu m'as apporté, ce n'est pas contre toi, mais il y a quelque chose qui m'amène à aller me réaliser ailleurs".

La suite à écouter

L'équipe