

Beaucoup de clichés circulent sur les enfants uniques... C'est le moment d'essayer d'y voir plus clair !
Les idées reçues sur les enfants uniques pullulent. Ce seraient des enfants qui s'ennuieraient plus que les autres, sans frère ni sœur. Des enfants égoïstes, pourris gâtés. Des enfants rois, voire tyrans. Des enfants surprotégés. Des enfants rêveurs, plus imaginatifs que la moyenne. Les parents, quant à eux, seraient trop fusionnels avec leur progéniture.
Nous essaierons de démêler le vrai du faux de toutes ces affirmations. Pendant longtemps, on a prédit un triste destin aux enfants uniques et la psychanalyste Françoise Dolto affirmait qu'une famille idéale, c'étaient trois enfants avec trois ans d'écart.
Mais est-ce si difficile que ça de vivre seul avec ses parents ? Pourquoi les parents ne doivent surtout pas culpabiliser ? Comment éviter la solitude des enfants uniques ? Comment ne pas trop les couver ?
Nos expertes et experts vous répondent.
De plus en plus d'enfants uniques
Selon le dernier bilan démographique annuel publié par l'Insee, la natalité est au plus bas depuis l'après-guerre. Les enfants uniques sont de plus en plus nombreux. Ce sera peut-être une nouvelle norme au cours de cette décennie. Dans "Le Parisien" du 18 janvier 2023, Sophie, 40 ans, salariée dans l'édition, à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, mère d'un petit garçon, explique que le Covid a eu raison de son désir d'avoir un deuxième enfant.
Le contexte international en Ukraine, l'accélération du réchauffement climatique, la crise énergétique et économique feraient aussi réfléchir de nombreux parents sur l'opportunité de donner naissance à un second enfant.
Selon Emmanuelle Rigon, psychologue, l'enfant unique ne sera pas élevé de la même manière si c'est une décision ou si c'est une obligation.
Relâcher la pression, pour les parents
Gwenaëlle Boulet, chroniqueuse de l'émission, apporte un éclairage intéressant sur ce qui peut différencier les parents d'enfant unique des parents ayant plusieurs enfants, à savoir une culpabilisation des parents quant à l'éducation qui n'a pourtant pas lieu d'être : "Quand on a plusieurs enfants, on remet régulièrement en cause notre éducation parce que nos enfants sont différents, parce qu'ils ont des tempéraments très différents. Et par rapport à un système qu'on va mettre en place, ils ne vont pas réagir du tout de la même manière. On est obligé de faire des déplacements éducatifs alors qu'effectivement, avec un enfant unique, je pense que ce qui est compliqué, c'est que notre modèle éducatif ne se confronte qu'à une seule réception éducative. Je pense que c'est peut-être pas évident parce qu'on se remet peut-être beaucoup en cause en tant que parent d'un enfant unique. Quand quelque chose ne fonctionne pas, on se dit que c'est ça, que c'est mon éducation. Alors qu'on voit bien qu'avec plusieurs enfants, quelque chose va fonctionner, et d'autres choses pas du tout."
Elena Goutard, coach parental, enfant unique et mère de quatre enfants, ajoute sur ce sujet : "Je pense qu'on se rend compte finalement, quand on a un deuxième enfant, que peut-être on était plus sous pression en ayant un seul enfant que quand on en a deux ou trois ou plus."
La coach délivre un conseil déculpabilisant aux parents d'enfants uniques : "Je pense que si je pouvais donner un conseil aux parents, c'est peut-être de ne pas tout ramener, tous les soucis qu'on peut rencontrer dans notre quotidien et dans la relation avec notre enfant aussi, à ce statut particulier, mais pas si différent que ça de l'enfant unique. Si on a un enfant qui fait des colères, ce n'est pas forcément parce que c'est un enfant unique. S'il est un petit peu timide, un petit peu introverti, ce n'est pas forcément parce qu'il est enfant unique. Il est simplement différent. Donc peut-être relativiser."
Être enfant unique, est-ce si différent ?
En tant qu'enfant unique, la différence fondamentale pour Emmanuelle Rigon, avec des familles de plusieurs enfants, c'est d'être confronté au couple parental en étant seul, quel que soit le nombre d'amis qu'on peut avoir par ailleurs. Elle prend le cas de la séparation des parents, qui peut être particulièrement dure lorsqu'il n'y a qu'un seul enfant, parce qu'il ne peut pas se reposer sur un autre qui vivrait la même chose que lui. En ce qui concerne le deuil des parents, c'est pareil, même si beaucoup de fratries se déchirent aussi après la mort de leurs parents.
Par ailleurs, pour Elena Goutard, ce qui est intéressant, c'est qu'il y a de nombreux enfants uniques, aujourd'hui adultes, qui disent que si la fratrie leur a manqué, ce n'est pas forcément pour partager des jeux ou des moments de complicité, mais parce qu'ils auraient aimé que de temps en temps, les parents regardent ailleurs.
Quelques clichés sur les enfants uniques
- Les enfants uniques sont égoïstes
C'est sans doute malheureusement celui qui revient le plus souvent. Ce que les invitées et une auditrice ont souhaité démentir. Emmanuelle Rigon détaille son histoire personnelle : "Moi, j'ai tellement entendu que les enfants uniques étaient égoïstes que, au contraire, je trouve que ça développait une sorte de hantise. C'est-à-dire que petite, moi, je partageais tout, je donnais tout, je me mettais en retrait pour surtout ne pas me faire taxer d'enfant unique égocentrique."
- Les enfants uniques ont trop d'attention
Ce n'est pas forcément le cas selon Emmanuelle Rigon : "Il y a aussi des cas de familles avec enfants uniques où les parents sont très pris par quelque chose d'autre, qui est peut-être une des raisons pour lesquelles ils n'ont qu'un seul enfant. Cela peut être le métier, une passion artistique... Donc il y a quand même d'autres possibilités que le parent regarde ailleurs. Regarde vers son conjoint par exemple aussi. Et ça, ça peut déjà soulager pas mal cet effet d'attention soutenue sur l'enfant."
- Les enfants uniques sont solitaires
Emmanuelle Rigon explique : "Je crois qu'il faut voir au-delà du mythe, même si l'enfant unique est un peu plus seul. Effectivement, face aux parents, il n'est quand même pas forcément dans un manque d'une joyeuseté. Parce qu'il y a les autres, les copains, les cousins, les amis des parents. Tout dépend comment les parents vivent en fait." En effet, beaucoup d'enfants uniques ont de belles et fortes amitiés.
Dans tous les cas, il est préférable d'éviter les généralités.
Pour en savoir plus, écoutez l'émission...
Invités :
- Emmanuelle Rigon : Psychologue clinicienne, elle s'occupe d'enfants, d'adolescents et de jeunes adultes de 0 à 20 ans dans un centre médico-psycho-pédagogique (CMPP). Elle exerce également en libéral où elle se dédie surtout aux adultes. Son livre référence sur le sujet : « Comment survivre quand on est enfant unique », Albin Michel Jeunesse, mars 2006.
- Didier Pleux : Psychothérapeute cognitivo-comportemental et docteur en psychologie, il s'est formé aux approches cognitives dans les années 1980. Depuis, il dirige l'Institut français de thérapie cognitive. « De l'enfant roi à l'enfant tyran » est son ouvrage clé sur ce thème (Odile Jacob, octobre 2002). Il paraît en poche aujourd'hui, ce mercredi 1er février 2023. Le 3 mars, il publiera aussi, toujours chez le même éditeur, un livre qui s'intitule : « L'éducation bienveillante, ça suffit ».
- Elena Goutard : Coach parental. Formée à la psychologie des enfants et des adolescents, elle s'attache à améliorer les relations parent-enfant. Elle est l'autrice de « Enfant unique » de la collection « Mon p'tit cahier » (Solar, août 2021). En février de la même année, elle faisait paraître dans la même collection « Nouvelle tribu ».
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