Loisirs, plaisirs et curiosités : le mauvais goût

GBVF Loisirs, plaisirs et curiosités : Le mauvais goût
GBVF Loisirs, plaisirs et curiosités : Le mauvais goût ©Getty - Peter Dazeley
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Et vous votre "Dictionnaire amoureux du mauvais goût", quel serait-il ? Propre au jugement de chacun, qu'est-ce qui détermine ce qui nous révulse dans la vie en général ? Quand le mauvais goût des uns peut devenir le bon goût des autres et vice-versa.

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Ce matin, on s’intéresse au mauvais goût, celui qu’on assume comme Thibaut de Saint Maurice et sa doudoune sans manche ou notre chef Grégory Cohen et ses sabots fourrés, et celui qu’on n’assume pas.

Le mauvais goût, un racisme de classe ?

Nicolas d'Estienne d'Orves est journaliste, écrivain, il vient de publier chez Plon un Dictionnaire du mauvais goût, une notion éminemment subjective et difficile à définir. Pour lui, le mauvais goût est relatif, circonstanciel et ancré dans son temps : « C'est quelque chose d'indéfinissable. J'ai mis 600 pages et 200 entrées à essayer de le circonscrire, de le comprendre, de le maîtriser.

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Il y a autant de mauvais goût que d'individus. Puis il y a le mauvais goût que j'aime, que j'adopte et le mauvais goût que je repousse. » Pour le journaliste, le mauvais goût est un racisme de classe : « Le mauvais goût, c'est le goût de l'autre. C'est-à-dire que d'un côté, il y a les snobs, de l'autre, les ploucs, et les deux camps se regardent avec une méfiance réciproque. C'est juste une question de point de vue, parce que nos goûts expriment notre position dans le monde social. Accuser les autres de mauvais goût, c'est conforter sa position dans le champ social. C'est une forme d'agressivité et de méfiance. »

« Ce dictionnaire est un livre très subjectif. On m'a toujours dit que j'avais mauvais goût, que j'aimais des choses étranges donc j'en ai fait un ouvrage entier. C'est une encyclopédie de mes passions et de mes détestions, et c'est totalement intime, totalement subjectif. Le principe de la collection Dictionnaire amoureux, c'est un portrait en creux, par thèmes interposés. Il y a sept ans, j'avais fait Paris, un sujet qui n'a rien à voir et là, le mauvais goût. J'aime la liberté de ton qui, je dois dire, devient assez rare de nos jours. »

Le mauvais goût de la téléréalité

Le journaliste assume le mauvais goût qu'il a pour la téléréalité : « C'est une espèce de voyeurisme institutionnalisé où l'on prend des gens, on les met dans un bocal et on les regarde, peu importe ce qui se passe. C'est assez désespérant de vacuité. C'est de mauvais goût. Il y a aussi la prétention des candidats dans ce type d'émission de téléréalité. Ils se projettent dans un personnage abstrait, ils passent de l'autre côté de l'écran. C'est Alice qui va de l'autre côté du miroir. »

"Faire un pays", une expression de mauvais goût ?

Une expression de mauvais goût que Nicolas d'Estienne d'Orves fustige, c'est "Faire un pays". J'ai fait l’Égypte, j'ai fait Rome, on a fait le Cantal : « C'est comme s'approprier un lieu. On y va, on visite, on s'invite. C'est comme la soirée diapos, on coche et ensuite, on va se prendre en selfie. On va acter de notre présence quelque part, on se prend en photo devant un monument, c'est bon, on l'a fait. Il y a une sorte de prédation aussi du lieu qui devient un prétexte pour aller exister ailleurs. »

Le Louvre, un musée de mauvais goût ?

Dans son livre, le journaliste critique également le Louvre, il regrette que le plus grand musée du monde soit devenu un mall culturel : « On ne sait pas si on se trouve dans une grande surface ou dans un musée. Vous pouvez y manger aussi bien une pizza qu'un bò bún, il faut quand même limiter les choses. Et puis maintenant, il faut avoir une appli sur son téléphone, appeler trois jours avant, faire la queue pendant 2 heures. C'est devenu compliqué. »

De la laideur qui se prend au sérieux

Mais quel est le principe directeur de ce mauvais goût ? « C'est de la laideur qui se prend au sérieux. Alors que la laideur avec du second degré, on peut aller vers le kitsch. Ce que j'aime, c'est cette ligne de crête ténue entre le raffinement, la mocheté et la ringardise. C'est pour ça que j'aime les films de Jean-Pierre Mocky, le professeur Choron. Toutes ces choses-là se tiennent sur une ligne ténue entre ce qui peut faire rire et ce qui peut épouvanter, ce qui peut émouvoir et ce qui peut horrifier. »

► Nicolas d’Estienne d’Orves -  "Dictionnaire amoureux du mauvais goût" (Plon, 26 janvier 2023).

Les chroniqueurs

  • Christilla Pellé-Douël, journaliste chez Psychologies Magazine

Son conseil : "De rage et de lumière" de Jeanne Pham-Tran, Mercure de France [5 janvier 2023], récits croisés de la vie d'un vieux médecin gallois qui à 90 ans soigne les mendiants de Calcutta (rien à voir avec Mère Theresa) et de la maladie de la mère de l'autrice. Sincère et touchant.
Son petit plaisir : un tout simple et très quotidien aller au marché. A opposer à l'horreur des grandes surfaces. Surtout à la veille du week-end.
Son comble du mauvais goût : "Tout ce qui est ostentatoire, prétentieux dans le but unique de se faire remarquer en écrasant les autres, ce qui implique une idéologie de la hiérarchie des humains - les cuistres, les méprisants. Le mauvais goût est une attitude dans la vie, une question de valeurs, pas une question de vêtements. C'est un manque d'élégance morale."

  • Guillemette Odicino et son ami du vendredi : Jean-Pierre Bacri dans « Le Goût des autres » (2000). Par Agnès Jaoui et Bacri.

Son petit plaisir : la savoureuse série de Kore Eda au goût si umami sur Netflix : « The Makanai: Cooking for the Maiko House » [Depuis 2023.].

  • Thibaut de Saint-Maurice pour sa chronique philo

Son petit plaisir : le podcast « Léon Blum : une vie héroïque » de Philippe Collin et son équipe (France Inter).
Son comble du mauvais goût : le snobisme.

  • Maïa Mazaurette pour sa chronique sexo

Son petit plaisir : le film « Tàr » de Todd Field. Avec Cate Blanchett, Nina Hoss, Noémie Merlant.
Son comble du mauvais goût : citer un auteur étranger dans le texte pour écraser ses interlocuteurs.

  • Grégory Cohen et sa recette : un cheeseburger à la tomme accompagné de frites de patate douce.

Son comble du mauvais goût : les chaussettes blanches en costume et en chaussures de ville.

Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

Grand bien vous fasse !
52 min

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