Le poète russe Evgueni Evtouchenko est mort le samedi 1er avril. Cet homme a été le symbole d’une ouverture en Union Soviétique, il y a plus de cinquante ans.
Et un personnage de NOTRE histoire politique. On regardait vers l’Est, et les mots de Evtouchenko étaient la preuve d’un espoir possible.
Nous sommes à la Mutualité, le 18 février 1963. Clarté, le journal des étudiants communistes, a invité Evtouchenko - il a 29 ans - à déclamer ses poèmes, qui sont traduits par le jeune comédien Laurent Terzieff.
Babi Yar, le plus célébre poème de son oeuvre
Babi Yar, c’est le ravin où les nazis avaient massacré les juifs de Kiev. C’était un massacre que Staline avait occulté, il ne voulait pas que l’on parle du génocide juif. Et Evtouchenko rendait la vérité aux victimes, en se réclamant de son identité de « russe véritable ». Le grand compositeur Chostakovitch en avait fait une symphonie (la n°13), qu’il avait créé en décembre 1962.
Evtouchenko, le beatnik
Les conservateurs du régime s’opposaient aux modernes. Une bataille culturelle derrière le rideau de fer. l’aspiration au renouveau était la même chez les jeunes générations. C’est ce qu’on analysait sur France culture en 1965. Evtouchenko, le beatnik, le révolté, "James Dean"... On vivait, nous, nos années yéyé...
Un enjeu politique en France aussi
Un enjeu formidable. Déjà à l’intérieur du Parti communiste, des jeunes gens voulaient une autre gauche, ils étouffaient, ils s’appelaient Bernard Kouchner, Alain Krivine, Serge July... Ce serait les grands frères de la génération mai 68, et quand ils choisissaient Evtouchenko et Terzieff, ils s’inscrivaient en dehors des cadres d’un vieux parti.
Le poète parlait de Staline, eux pensaient à Thorez. Et il y avait, un instant, un courant Evtouchenko, celui d’un communiste qui s’offrirait à tous, ce serait une utopie.
Mais ce qui n’était pas une utopie, c'était la vie politique internationale, et l'engouement pour Evtouchenko allait de pair avec ce qu’on appelait la détente.
Khrouchtchev et De Gaulle
La fin de Staline en 1952, l’arrivée de Khrouchtchev au pouvoir... Quand Khrouchtchev avait dénoncé les crimes de Staline, on regardait ça avec étonnement. Et en 1960, quand Krouchtchev était venu en visite à Paris, on s’était extasié, et de Gaulle l’avait accueilli avec les grands mots.
Il y avait eu une "Khrouchtchev mania", on s’extasiait de la visite des filles du dirigeant soviétique chez Dior. Evtouchenko, c’était infiniment plus digne, fort, séduisant, littéraire. Mais il resterait un soutien du régime. On pensait que le rideau de fer s’entrouvrait, ça durerait un peu plus longtemps... Mais il resterait cette voix, qui vient de s’éteindre.
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