C’est un document inquiétant. Il a été rendu public hier par deux économistes de la Coface, Marcos Carias et Coline Louis. Et il évalue le nombre de télétravailleurs qui pourraient être délocalisés.
Avant les confinements, beaucoup d’employeurs ne croyaient pas que leurs salariés seraient aussi efficaces en travaillant à distance qu’en venant au bureau. Depuis ils ont changé d’avis. Aux Etats-Unis, un employeur sur deux juge même que ses équipes sont plus efficaces lorsqu’elles travaillent à distance.
Alors non seulement ils veulent maintenir une bonne dose de télétravail mais puisqu’il n’est pas nécessaire de voir ses salariés tous les jours au bureau, ils envisagent que ces postes soient pourvus à l’étranger, dans un pays où la main d'œuvre coûte moins cher.
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Et sur un échantillon de 330 grandes entreprises, 36% des patrons disent y réfléchir. Une nouvelle tendance se dessine: la “télémigration”, un mot inventé par l’économiste Richard Baldwin. Plus besoin de venir aux Etats-Unis pour avoir un bon job. Vous pourrez le faire de votre pays.
Et en Europe, les entreprises y sont prêtes ?
Pour les deux experts de la Coface qui ont fait le rapport, c’est inévitable. Pour plusieurs raisons. Les entreprises sont très endettées, elles font face à des hausses du prix des matières premières et sans doute à des hausses d’impôts.
Il y a donc fort à parier qu’elles vont chercher à réduire leurs coûts.
Or en Europe 37% des emplois sont télétravaillables. Si une entreprise française ou une entreprise allemande en transfère un sur quatre en Pologne, elle économisera 7% de coûts de main d'œuvre.
Plus les rémunérations sont élevées dans un secteur, plus la pression sera forte. En France, il faut s’inquiéter pour certains postes de la finance et de l’informatique.
Mais ces délocalisations de services existaient déjà avant la crise, en Inde notamment, ou en Afrique du Nord pour les centres d’appel ?
C’est vrai. Le problème c’est qu’avec la banalisation du télétravail, un verrou a sauté. Les entreprises n’hésiteront plus. Au début, ça ne se verra pas. Elles ne feront pas un plan social en France pour recruter ailleurs.
Ce sera plus diffus. Elles cesseront de créer de nouveaux postes ici et feront recruter par leurs filiales des télétravailleurs pour faire des tâches aujourd’hui faites en France. Et cela pèsera sur les salaires.
La Coface estime qu’il y a 330 millions de télétravailleurs potentiels dans les pays émergents.
5 millions en Pologne, par exemple, et plutôt qualifiés, 62 millions en Inde, 15 millions en Indonésie. Derrière la télémigration, elle voit un vrai risque politique pour les pays développés.
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