L'édito politique de Charles Jaigu

France Inter
Publicité

Pourquoi les mouvements politiques nouveaux n’émergent-ils pas en France?

En 2014 les Français ne se sont pas réconciliés avec la classe politique. Mais on ne voit pas de nouvelle offre poindre à l’horizon. Pourtant, regardons nos voisins italiens. Ils sont dégoûtés de la politique depuis beaucoup plus longtemps. Au début de l’année, ils ont voté pour l’humoriste Beppe Grillo, qui a fait élire 163 députés du mouvement Cinq étoiles aux dernières législatives. Le 20 mai 2014 sur la RAI, avant les élections européennes, Beppe Grillo se vante d’être « le premier parti du pays ». Pourtant, quelques jours plus tard, Mateo Renzi va lui mettre vingt points dans la vue aux élections européennes. Et aujourd’hui, son mouvement est au bord de l’implosion. Il faut dire que ses députés sont assez originaux. L'un d'eux s'est fait remarquer par une proposition de loi prévoyant « le mariage entre espèces différentes, si elles sont consentantes ».

Beppe Grillo, le leader du M5S, le Mouvement 5 étoiles
Beppe Grillo, le leader du M5S, le Mouvement 5 étoiles
© Reuters/Giorgio Perottino

Le parti des cinq étoiles est devenu le parti des cinq étoiles filantes.

Publicité

En France, le sentiment anti-politique est très fort, mais il ne débouche sur aucun mouvement nouveau. Il n’y a pas de génération spontanée, et la colère ne passe pas par des trublions façon Beppe Grillo. La seule tentative récente a été celle de l’entrepreneur Denis Payre avec « le mouvement citoyen », et il a réuni 1,4% des voix aux dernières européennes. Non, la France reste une terre où la politique est un métier. Le refus de la classe politique débouche sur l’abstention ou sur un cri de colère bien installé dans le paysage, le vote Le Pen. L’expérience italienne montre aussi ce qui se produit quand les partis protestataires entrent dans les assemblées: ils se ridiculisent très vite et se déchirent en guerres intestines.

Le Front national peut rêver un jour faire mieux que Beppe Grillo si François Hollande choisissait d’instaurer un scrutin proportionnel intégral. Mais Manuel Valls a écarté cette hypothèse. Selon lui le choix fait par Mitterrand en 1986 ne serait plus possible aujourd’hui, car il laisserait entrer plus de 130 députés FN. La France se retrouverait alors dans un scénario proche de celui que connaît la Suède en ce moment où ni la gauche, ni le centre-droit, ni l’extrême droite ne sont majoritaires, du fait d'un mode de scrutin qui donne la part belle à la proportionnelle.

En France le nouveau parti de la colère, c’est l’abstention. L’insurrection contre la politique, en France, dans les élections à venir, passe d’abord par l’abstention. Mais les abstentionnistes savent ce qu’ils font, surtout quand ils sont de gauche. Dans ce cas, le parti qui en profite est bien celui de Marine Le Pen. Le FN n’est pas nouveau, mais en 2015, avec l’aide des abstentionnistes de gauche, il estime pouvoir faire beaucoup mieux que le bouffon Beppe Grillo.