Par Benjamin Sportouch, journaliste politique à l'hebdomadaire L'Express
Jean-Luc Mélenchon était hier l’invité de France Inter et il a lâche ses coups tous azimuts

L’attitude de Jean-Luc Mélenchon ressemble peu ou prou à celle d’un tireur foufou si vous préférez, à un canard sans tête. Il y va à la sulfateuse. Certes, il s’en prend à ses ennemis naturels : l’UMP et le Front national.
Mais le cœur de son offensive touche les socialistes et François Hollande.
Hier ici même, il est monté d'un cran dans ses attaques. Il a estimé que dimanche, à l’élection cantonale de Brignoles, le soutien du PS avait fait perdre le candidat communiste, au profit de l'extrême-droite.
Ecoutons-le, c’était au micro de Patrick Cohen :
Le cinq sept 2013 - Son politique Mélenchon OK
9 sec
« Ca l’a plombé » : c’est sans nuances…
Jean-Luc Mélenchon ne ménage pas non plus ses alliés communistes. Il ouvre simultanément plusieurs fronts. Alors que ce week-end, le secrétaire national du PC Pierre Laurent appelait au rassemblement de la gauche pour les municipales, Mélenchon continue, lui, de défendre la ligne de l’autonomie, à distance des socialistes.
A Paris, il n’a pas attendu que les communistes décident ou non de rejoindre Anne Hidalgo : le Parti de gauche a déjà désigné sa propre candidate, Danielle Simonnet. Dans d'autres villes, Mélenchon veut tordre le bras aux communistes en se rapprochant d'Europe Ecologie les Verts. Sachant qu'en politique, le rapprochement de deux partis faibles ne débouche pas sur un rassemblement fort. C'est même plutôt le contraire.
Cette stratégie solitaire porte-t-elle ses fruits ? Jusqu’à présent, non. Jean-Luc Mélenchon a pourtant un boulevard devant lui. Entre l’impopularité record de François Hollande d'une part, la discrétion de la gauche du Parti socialiste qui reste solidaire du gouvernement et enfin la zizanie récurrente chez les Verts, il devrait pouvoir récupérer un mécontentement populaire croissant dans l'électorat de gauche.
C’est tout l’inverse. Dans les enquêtes de popularité, il est toujours en queue de peloton. Il se marginalise, et son parti avec lui.
On en oublierait presque qu’il y a moins d’un an et demi, Jean-Luc Mélenchon recueillait plus de 11% des suffrages à la présidentielle. Depuis, il n’a jamais réussi à transformer l’essai : les députés communistes sont peu nombreux et lui-même a échoué à se faire élire à Hénin-Beaumont.
Au contraire, Marine Le Pen ne cesse de capitaliser, y compris en drainant d’anciens électeurs de gauche.
Pourquoi cet échec ? A force de faire dans la radicalité et dans l’exagération, d'abuser de ses talents de tribun, Jean-Luc Mélenchon rend inaudible ses propositions et imperceptible la différence entre sa protestation « anti-système » et celle du Front national qui l'incarne depuis bien plus longtemps. Prenons un exemple très concret : sa position sur l’euro.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, Mélenchon n’est pas pour un abandon automatique de la monnaie unique, à l'image du FN. Mais ses excès cachent ses idées, voire les gâchent et nourrissent l'extrême droite. Car au même moment, Marine Le Pen travaille sa « normalisation » et tente de crédibiliser ses propositions en gommant les outrances verbales. Jean-Luc Mélenchon espère se refaire une santé au moment des élections européennes, mais c’est loin d’être gagné. Si sa stratégie de l’autonomie agressive échoue aux municipales, il restera dans un corner. Et Mélenchon n’aura alors plus qu’à s’en prendre à Jean-Luc. La seule cible qu’il n’ait pas encore visée.