En 2017, on pensait le débat clos. Entre partisan de la tété et alliés du biberon de lait maternisé, c’est de nouveau la guerre des tranchées.
Selon l’OMS, seuls 38% des bébés humains bénéficient de cette pratique en continu jusqu’à l’âge de six mois. Et un peu partout sur la planète, les femmes privilégient le biberon… sauf dans certains pays industrialisés, dont la France.
Depuis peu, rien ne semble plus glamour que ce « retour aux sources. Combien de « mamans-stars» ont ainsi posé en Vierge à l'Enfant, parce que « allaiter, c'est mieux ! » Pour la ligne d'abord, mais surtout parce que c'est « éco-bio-logique », et donc tellement meilleur pour la mère et l'enfant !
L'allaitement est-il devenu une nouvelle "norme" en occident, et notamment en France ?
Les chiffres le prouvent, on observe un certain engouement pour l'allaitement maternel. Mais ce « miracle lacté » a aussi son pendant : aujourd'hui plus qu'hier, entre pro-allaitement et pro-biberon, le respect se délite.
Et les conséquences se font sentir : d'un côté comme de l'autre, notamment sur les réseaux sociaux, on se remet à se provoquer.
Face à l'élan naturaliste qui sacralise le lait maternel, les mères aux biberons dénoncent, de leur côté, une pression qui s'exerce dès la maternité :
Pourquoi nous voit-on comme des mères égoïstes ?
Et, d'un autre côté, chez les « allaitantes », on se plaint notamment d'un manque d'accompagnement dans la démarche. Et on dénonce aussi la manière dont on est encore jugé dès qu'il s'agit de donner le sein dans un espace public. Beaucoup se plaignent donc de devoir allaiter dans les toilettes... Bref, la guerre des mères est relancée.
Cette bataille n'est pas sans faire de dégâts
Des dégâts d'autant plus sévères que les jeunes mères des années 2000, rarement nourries au sein elles-mêmes, sont souvent obligées de se débrouiller sans grande transmission. Dans de nombreux esprits, avant ou après l'accouchement, c'est donc l'inquiétude qui prime : « Etre une bonne mère, est-ce donner de soi en allaitant ? Faut-il choisir de privilégier son enfant, ou bien tenir compte de soi-même ? »
Et, pour chaque femme, l'équation est d'autant plus complexe que, comme le précise la psychanalyste Dominique Blin :
La culture familiale joue un rôle considérable dans la décision finale
Consciemment et inconsciemment, chacune est ainsi traversée par ce qu'elle sait de sa propre venue au monde, par ce qu'elle a entendu des femmes de sa lignée. Mais comment s'écouter quand l'injonction à allaiter semble s'exercer si fort ?
Y parvenir est de moins en mois chose facile. D'où le fait que de plus en plus de femmes admettent donner le sein un peu à marche forcée, jusqu'à parfois abandonner sur un sentiment d'échec, on s'en doute, peu favorable à l'épanouissement du bébé.
Comment peut-on aider les femmes à choisir en âme et conscience ?
Pour Dominique Blin, "il est plus que jamais essentiel que l'entourage, comme les institutions, prennent davantage en compte l'histoire personnelle de chaque mère plutôt que de la pousser vers telle ou telle option."
La clinique psychanalytique montre, en effet, que l'expérience de l'allaitement met souvent à jour des fantasmes inconscients très puissants (comme celui d'être dévorée, de commettre un inceste ou de contaminer son bébé, par exemple), des fantasmes difficiles à évoquer et qui peuvent parfois réveiller de grandes peurs ou de fortes inhibitions, forcément préjudiciables à la relation maman-enfant.
Voilà pourquoi ce qui pourrait sûrement aider les femmes, selon la psychanalyste, c'est d'abord de les laisser parler, et de les écouter. Notamment lorsqu'on est son ou sa partenaire, et que l'on n'a qu'un mot à dire pour encourager - ou déstabiliser - celle qui veut surtout bien faire.
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