

De prime abord, de toutes nos bonnes résolutions de la rentrée, c’est probablement celle qui apparaît la plus facile à mettre en œuvre : cesser (enfin !) de se mesurer.
À ses voisins, à ses amis. À ses collègues, à sa fratrie... Depuis toujours, parents ou profs ne cessent d’ailleurs de nous le claironner : se comparer, « c’est moche » ! Et en plus, « ça fait mal » ! Comme un « venin émotionnel ». Un « poison psychique » qui alimente la vanité, l’orgueil, la jalousie. Du coup, cette fois, on se le promet : en septembre, finis les rivalités, exit les analogies !
Mais cette décision est-elle sage ? Si bien des moralistes modernes, dont nombre d’adeptes du développement personnel, assènent encore que « comparaison n’est pas raison », peut-être convient-il, tout de même, de relativiser.
Ainsi, pour le psychologue Yves-Alexandre Thalmann, « décider ne plus s’évaluer est, carrément, une très mauvaise idée ! ». Pourquoi ? Parce que « v_ouloir lutter contre une inclinaison aussi naturelle est, selon lui, tout à fait absurde, en tout cas aussi peu réaliste que de vouloir s’empêcher de penser_ » Car, selon le spécialiste, la psychologie expérimentale l’a récemment prouvé : c’est en se comparant, et ce dès le plus jeune âge, que, chez chacun, un « moi » peut s’étayer, et finalement s’ériger à travers ces fameux « Je suis plus grand que Pierre, mais moins gros que Paul, et plus généreux que Jacques ».
Pour le psychologue, c’est donc un fait : « si notre cerveau met constamment en rapport des concepts et des idées, c’est pour mieux apprendre et mieux raisonner__. Alors, pourquoi tenir absolument à l’éviter ? ».
Quoi qu’en disent la bien-pensance et la psychologie populaire, s’évaluer en observant son entourage ne serait donc pas aussi préjudiciable qu’on le prétend
En effet, mais à une condition, précise Yves-Alexandre Thalmann : celle de ne pas systématiquement se référer à des personnes mieux loties que soi... Ben oui, tant qu’à faire. Car, selon lui, s’il est certain que se soumettre en permanence à des comparaisons « défavorables » ou « ascendantes » contribue à assombrir l’humeur, procéder à des comparaisons « positives » favorise, au contraire, une réelle satisfaction, et donc une bien meilleure estime de soi.
Voilà qui donne davantage envie de se lancer sans fausse modestie, non ? « Vrai, Laetitia est une jolie femme, doublée d’une grande professionnelle. Mais moi, je suis plus solaire qu’elle ! ». « Certes, Patrick gagne mieux sa vie que moi. Mais pour rien au monde, je ne voudrais être lui ». Vous trouvez cela un peu trop prétentieux, et pas très chrétien ?
Pourtant, selon Yves-Alexandre Thalmann, contrôler ses comparaisons pour choisir les plus « favorables » revient, finalement, davantage à s’aider soi-même qu’à réellement dévaloriser les autres. Surtout, précise-t-il, si l’on en profite pour cultiver son esprit de gratitude.
Car, selon lui, "se dire que l’on est plus chanceux, plus beau, plus doué, mieux loti qu’autrui revient d’abord à remercier la vie". Ce que formulait déjà, en son temps, Talleyrand, qui, il y a près de deux cents ans, observait :
Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console
Yves-Alexandre Thalmann est auteur de Comparez-vous ! et vous serez heureux, éd. Jouvence (2013) et de La psychologie positive : pour aller bien, éd. Odile Jacob (2011).
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