Un dos nu et une peau de lait, c’est du velours, tiens, on dirait… Un dos nu avec des pleins, des déliés, c’est arrondi et jusqu’aux reins, il y a des courbes c’est certain.
Un dos nu et une peau de lait, c’est du velours, tiens, on dirait… Un dos nu avec des pleins, des déliés, c’est arrondi et jusqu’aux reins, il y a des courbes c’est certain. Mais ici elles sont assumées alors l’œil veut s’y attarder. Elles sont divines et éclairées, par la lumière du projecteur qui en caresse le postérieur, lui-même alors mis en valeur, par les franges d’une jupe violette…
Ouh la coquine, elle est coquette. Une main lascive laisse échapper, un soutien-gorge à balconnet. Oups, il est tombé. Ça la fait rire, Madame de dos, elle nous regarde, cheveux relevés, par sa main gauche attachés : elle est mutine et elle badine. Les joues rosies par le plaisir, celui qu’elle sait avoir donné… C’est un défi qu’elle vient de relever.
Car dans un monde où la minceur est une règle tyrannique, cette Jessica Davey-Quantick est bien trop ronde pour les censeurs, pour les seigneurs de l’esthétique. Ses canons l’ont longtemps clouée au pilori du grand public : tes bourrelets, faudrait les cacher, tu n’as pas honte, non ? Tu devrais.
Longtemps elle les a encaissés et puis un jour, elle a osé. S’inscrire dans une revue burlesque, sur scène se mettre nue ou presque. On l’applaudit, on la trouve belle, elle a sa revanche, du moins, croit-elle.
Car le soir même, sur Instagram, on peut y admirer la dame. Jessica a mis cette photo, celle où elle jubilait du dos. En légende, comme pour souligner, elle écrit cet hachtag fuselé : j’emmerde les standards de la beauté.
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En quelques heures la photo est 173 fois aimée et 49 fois commentée. On applaudit, on encourage, on sourit et puis on partage. On dit « bravo, quel joli dos ! » On dit « banco, franchement, chapeau ! » Jessica sent pousser des ailes, dans ce dos qui fait qu’elle est belle. Le premier soir, elle va se coucher, se reposer sur ses lauriers. C’est le matin que ça va se corser. Parce qu’elle est à peine réveillée quand elle va se reconnecter, sur Instagram elle va se jeter, pour lire les nouveaux commentaires, écrits, postés, depuis hier.
Des tas de nouveaux, y en a, c’est clair. Mais leur lecture est délétère. Ca pique les yeux, ça griffe l’égo, c’est des tomates sur ce dos… Parce qu’on veut lui faire de la peine, parce qu’on la traite de baleine. On lui dit qu’elle est dégoûtante, on lui dit même qu’elle est immonde et entre deux phrases insultantes, on lui rappelle le sort des rondes : l’obésité tue, tu sais ; tu devrais être morte, tu es faite de telle sorte, que je serai toi, j’en finirais. Je me couperais les poignets et toute ma graisse j’avalerais. Je n’invente rien, j’aurais aimé, mais ces mots là, ceux qui font mal, ils ont pourtant été postés.
Jessica lit éberluée. Remonte le fil, estomaquée. Trouve un compte qui lui est dédié. Une photo d’elle et un appel, à la pourrir, à la conchier. Jessica en est débectée. Envie de vomir ou de pleurer, Jessica a la tête courbée. Prête à se faire encore gifler ? Non, pas question, car cette fois elle va riposter. Chercher parmi ses détracteurs, celui qui se targue d’être l’auteur, des commentaires les plus violents, de ceux qui font le plus saigner. Elle finit par le retrouver : il vit à Londres, il a quinze ans. Alors elle alerte son père : pour dire ce que le fils a fait, il faut le corriger sévère. Certainement pas, répond le père : il a bien raison mon fiston. L’obésité est un fléau, l’exhiber sur une photo, c’est s’exposer aux quolibets. Monter sur scène, quand on est grosse, c’est indécent, alors mon gosse, il a bien fait, c’est évident. Le père est pire que le fils. Jessica en a la jaunisse. Mais elle contacte le lycée, au proviseur elle veut parler. Lui dire que sévit dans l’école, l’un de ceux qu’on appelle un troll. Un méchant qui répand son fiel et qui fait de la haine son miel. Le proviseur est en choqué. L’ado est vite convoqué et temporairement viré. Il pourra revenir au lycée quand il aura su rédiger une lettre d’excuses faite à la main, à Jessica qui le vaut bien.
Pour preuve dès le lendemain, elle prend la pose, ça fait du bien. Gaînée de noir et bouche rouge, plantée haut sur ses talons de douze, d’un œil elle toise l’objectif et le regard est abrasif. Ici la chair est triomphante, parce qu’elle est exhubérante. Postée sur les réseaux sociaux, sans le besoin du poids des mots. Parce que le choc de cette photo, c’est tout le chic de ce dos.
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