Devant la force des réseaux sociaux, les génies du marketing ne pèsent parfois pas bien lourd. C’est l’histoire que vous nous racontez Giulia Foïs.
C’est l’histoire d’une canette de soda, tendue comme ça, au bout d’un bras… Le bras est celui d’une jeune femme, elle sourit et elle a du charme… En face d’elle, des policiers, en rang d’oignons, ils sont serrés. Ils sont armés, mais désarmés, devant cette envie de partager ; cette main tendue, ils sont émus ; et cette canette, ce serait trop bête, de la refuser, car il fait chaud et puis c’est beau, pour la photo.
Ca fait penser à cette image, qu’on a des marches contre le VietNam ; ça nous rappelle ce beau visage, et le regard d’une autre jeune femme : manifestante pour la paix, au bout de sa main, elle tendait, à des militaires une fleur, ça s’appelait le Flower Power. Le pouvoir d’une photo qui peut, marquer les esprits, qui dit mieux, et ce sur cinq décennies.
Or c’est bien ce que veut Pepsi, répandre sur les Etats-Unis, son nom, sa patte - c’est l’objectif. Sa fine équipe de créatifs, a donc cette idée de génie : déguiser les consommateurs, en citoyens, voire en acteurs, d’un monde forcément meilleur. Et en un clip publicitaire, faire souffler sur toute l’Amérique, un vent post-révolutionnaire, ou du moins qui en aurait l’air, faut quand même que ça reste esthétique.
Pour l’incarner, ils vont chercher, une fille dont la notoriété, a explosé tous les compteurs, de la télé, jusqu’à Twitter. Kendall Jenner, l’avant-dernière, de la famille Kardashian - mais si vous savez bien ce clan, qui squatte le petit écran. Pour Pepsi, c’est l’icône rêvée. Et c’est donc Kendall qui s’y colle. Au début de la pub, elle rigole. Séance de shooting, elle connaît. Sourire à l’objectif, elle sait. Mais c’est alors que dans la rue, déboule une foule inattendue. Un cortège de manifestants, poing levé et en chœur chantant : des slogans pour l’amour, la paix. C’est vague oui mais c’est fait exprès : on ne veut rien qui puisse fâcher. Quand on se bat pour un soda, on édulcore, on ne se mouille pas.
Alors Kendall, sans grand danger, peut aller battre le pavé. Sa perruque blonde ? Arrachée. Et son rouge à lèvres effacé : c’est un geste d’émancipation, à deux doigts de la révolution. Kendall plante la séance photo et elle court rejoindre illico le cortège des manifestants… Mais quel courage, ah non, vraiment ! Attention voilà la police. Bientôt c’est le feu d’artifice. La manif immobilisée, on sent bien la tension grimper. Mais Kendall qui n’a peur de rien (c’est une héroïne, oui ou bien ???) s’approche alors d’un policier, lui tend sa canette de Pepsi, le temps est comme suspendu, et ce suspense, franchement, ça me tue. Mais oh le voilà qui sourit, tout de suite on est plus détendus. Et la menace ? Fiout. Disparue. Le calme lui, est revenu. Et maintenant tout le monde communie, c’est fou le pouvoir d’un Pepsi.
Le pouvoir surtout de provoquer sur Twitter un raz de marée. Car la pub à peine postée, faisait bien l’unanimité… Contre elle car on l’accusait d’avoir voulu s’approprier les codes d’un mouvement social et ce dans un but commercial. Scandale car la photo de fin, en rappelle une autre encore, tiens… C’était au mois de Juillet dernier… C’est sûr vous vous en souvenez : le mouvement « black lives matter » et la moiteur de l’été ; on a beaucoup manifesté et on a crié de colère, contre les violences policières, qui trop souvent s’abattent sur les noirs – on dit « c’est une bavure ». Or une photo a fait le tour, de la planète en un seul jour : prise en Louisiane, à Bâton Rouge, on voit bien que personne ne bouge. Surtout pas elle, cette jeune femme, regard planté vers l’horizon, et toute seule devant ce cordon de policiers, ça fout le frisson…
De là à penser que Pepsi ait voulu la récupérer... Et qu’en toute connaissance de cause, la marque ait tenté de surfer, sur l’émotion et sur la cause… Immédiatement, elle a nié. Mais impossible de calmer la polémique déclenchée. Les réseaux se passent le mot et Pepsi est vite acculée. Obligée même de s’excuser. Et dès le lendemain abdiquer : la pub alors est retirée. La jeune Kendall, elle, mortifiée. Du côté de la concurrence, on se félicite, on saute de joie. Car le résultat de cette histoire, le détail qu’on garde en mémoire, c’est ce hashtag, ce mot clé, qui contre Pepsi, a circulé… Et vous savez ce qu’il disait ? « Je bois du coca », ça, c’est fait.
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