"Le retour du fils prodigue" de Rembrandt - Ou l'art de récupérer votre enfant à son retour de colo

"Le retour du fils prodigue", c1668. Rembrandt van Rhijn (1606-1669). Trouvé dans la collection de l'Ermitage d'État, Saint-Saint-Pétersbourg.
"Le retour du fils prodigue", c1668. Rembrandt van Rhijn (1606-1669). Trouvé dans la collection de l'Ermitage d'État, Saint-Saint-Pétersbourg. ©Getty - Fine Art Images / Images du patrimoine
"Le retour du fils prodigue", c1668. Rembrandt van Rhijn (1606-1669). Trouvé dans la collection de l'Ermitage d'État, Saint-Saint-Pétersbourg. ©Getty - Fine Art Images / Images du patrimoine
"Le retour du fils prodigue", c1668. Rembrandt van Rhijn (1606-1669). Trouvé dans la collection de l'Ermitage d'État, Saint-Saint-Pétersbourg. ©Getty - Fine Art Images / Images du patrimoine
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C'était bien, il était loin, vous avez pu guincher en paix, d'ailleurs mais comment il s’appelait déjà ? Paulo ? Marco ? Marco-Paulo ? Oh vous exagérez tout de même, c'est votre enfant et c'est bien dommage, mais il rentre tout à l'heure ! Horreur, malheur, la colo est finie, alors qu'allez-vous en faire ?

Porter la cape rouge

C'est un homme qui lors des grandes occasions aime porter la cape rouge. Et quelle cape mazette, elle est sensass, ornée de pompons qui pendent, elle recouvre les épaules et arrondit le dos de ce grand individu au visage doux et bienveillant dans la partie gauche de la toile. 

L'homme porte la barbe, il a vécu assurément, sa peau est claire, burinée par le temps. A genoux devant lui, son fils qui le supplie : 

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Papa, papa, laisse-moi rentrer à la maison, c'est trop dur la colo à la mine de Sulfate 

Pincez-moi je rêve, pour amadouer son père, il ne recule devant rien, regardez, il a ôté son soulier gauche, sans honte il se présente pied nu, vêtu de guenilles, et pis encore, comme un petit koala agité par la fièvre, il frotte son visage éploré contre le ventre paternel. 

Le père, lui, ne dit mot, il appose ses grandes mains sur son dos en ce sublime geste d'amour qui veut dire :

Oui mon enfant, tu peux rentrer à la maison.

Une toile à l'infinie tendresse

Une tendresse folle se dégage de cette scène de retrouvailles, on en oublierait presque l'assemblée réunie tout autour, trois hommes et une femme, disposés dans l'ombre et dans la lumière. 

Tout à fait à droite, celui-ci dans une pause hiératique se tient droit comme un cure-dent. Pense-t-il à son déjeuner ou plane-t-il sous méthadone, qu'importe, son air est absorbé et son regard breloque. 

Assis à ses côtés, un jeune fat s'est paré de son plus beau couvre-chef, un pittoresque béret noir, comme on disait jadis : « A la grande mode de Hollande ». 

Derrière lui, surgissant de l'épaisse colonne au chapiteau sculpté, un marmouset à la face joviale quoique légèrement apathique. 

Plus loin encore, presque ensevelie dans une opaque obscurité, apparait, vous le voyez ? Le visage étonnant d'une d'une jeune fille étonnée. Qui regarde-t-elle ? Et qui regarde qui ? Les regards se chassent sans se croiser dans cet espace de magnificence lumineuse, dévoré par l'ombre sur les côté.

Rembrandt, l'homme qui a tout vécu 

Rembrandt a déjà largement roulé sa bosse lorsqu'il achève cette toile à l'infinie tendresse. Notre homme a tout connu ou presque, la gloire, la félicité, la banqueroute et la ruine, Lee Strasberg et le Mupet Show. 

Est-ce parce qu'il a tant vécu ou l'intuition d'une beauté qui se loge là où jusqu'alors on ne la voyait pas encore, Rembrandt touche comme personne avant lui la poésie des choses banales. 

Elle est pauvre sa peinture, elle ne cherche pas à vous séduire, à vous baratiner avec éloquence et trémolo. Chez lui, rien de mirifique, seulement les gens, seulement la vie : des vieux un peu décatis, une ronde de nuit, des mendiants, une leçon d'anatomie, des bourgeois, des vielles femmes ridées ou lasses, des aveugles, des charlatans.

Tout ce petit monde vit, se repose et s'agite, révélé dans leur grâce par l’exquise lumière du grand maître hollandais.   

Entendre le rire de Rembrandt

Ca n'a rien à voir, mais j'aurais bien aimé entendre le rire de Rembrandt, savoir si ça voix tapait dans les aigus ou explosait dans les graves, s'il lui arrivait parfois de se rouler par terre avec Saskia, sa femme, lorsqu'elle lui racontait de bonnes blagues. 

Vous pensez avoir trouvé le rire de Rembrandt et parvenez à merveille à l'imiter ? N'hésitez pas, inscrivez-vous à un concours de sosie de rire, et si vous gagnez, envoyez-nous la photo publiée dans le journal, sacré vous, vous n'arrêtez pas, sans blague, de nous épater.  

Où trouver cette merveilleuse toile ?

« Le retour du fils prodigue » (1668), une renversante toile de Rembrandt conservée au Musée de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg (Russie).