Noël oblige, Bruce de Galzain parle ce matin du Pape François et de son goût présupposé pour le marxisme...
Lui s'en défend, le Pape a même expliqué à la presse italienne que le marxisme était une idéologie erronée. "Même si, dit-il, j'ai, dans ma vie, rencontré de nombreux marxistes qui sont des gens très bien !" Le Pape François, qui a combattu la théologie de la libération dans son pays l'Argentine, n'est certes pas marxiste pour autant. Depuis qu'il a été élu Pape, il ne cesse de dénoncer les injustices du monde libéral. Certes, il n'est pas économiste, mais François dénonce quand même certaines théories comme la théorie du "trickle down " en français la théorie du "ruissellement", d'inspiration libérale. Elle suppose que la croissance économique, favorisée par le libre marché, réussit à produire en soi une plus grande équité dans le monde. Selon elle, en effet, l'argent des riches qui consomment et investissent ruissellerait vers les plus pauvres, ou en tout cas servirait l'intérêt général. Eh bien le Pape n'y croit pas du tout ! "Cela n'a jamais été confirmé par les faits", dit-il, et, selon lui, croire à cette théorie, c'est avoir une confiance grossière et naïve dans la bonté de ceux qui détiennent le pouvoir économique et dans les mécanismes sacralisés du système économique dominant. Et François conclut que les exclus attendent encore de bénéficier de ce mécanisme...
Est-ce à dire que le Pape condamne l'économie de marché ?
Il condamne ses dérives. Pour Jean-Yves Naudet par exemple, le président de l'Association des Économistes catholiques, François n'est pas en rupture avec le discours économique habituel de l'Église. Mais il ajoute que le rôle du pape est de réveiller les consciences et pas d'élaborer des solutions. Philippe Chalmin, professeur à Dauphine, va, quant à lui, encore plus loin. Il estime que les critiques du pape contre la finance et la spéculation font partie d'une posture de l'Église qui n'est pas la plus éclairée. Ces critiques du Pape, dit-il, nécessiteraient une connaissance bien plus approfondie sur un phénomène aussi complexe. En fait ces économistes catholiques libéraux ne goûtent guère les critiques du Pape contre les dérives de l'économie de marché !
S'il ne condamne pas en tant que telle l'économie de marché, le Pape François n'est-il pas en train de rompre avec une certaine tradition ?
Oui, tout à fait, et il déplaît déjà à certains Catholiques on l'a vu... En fait François tranche radicalement avec ses prédécesseurs sur ces questions, selon l'économiste et jésuite (comme le Pape) Gaël Giraud. Il tranche par son style et par son insistance sur la question de l'exclusion. Il n'y a pas de rupture avec la doctrine sociale de l'Église (en 1931 Pie XI dénonçait déjà la dictature des marchés financiers) mais Jean-Paul II et Benoît XVI étaient extrêmement mous sur cette question, selon Gaël Giraud ! Pour l'économiste, François est suffisamment habile pour ne pas remettre en cause la grande tradition de l'Église, car il serait alors critiqué en interne et son autorité serait mise en difficulté. Mais si la révolution dans l'Église n'est pas encore en marche, François continuera assurément à parler au monde, à être sans doute plus écouté que ses prédécesseurs ; il continuera aussi à surprendre les Catholiques eux-mêmes !
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