

Valérie Delattre est archéo-anthropologue, elle s'est lancée dans l'exploration de la paléo-pathologie (la médecine du passé) : ce travail a confirmé que de tout temps, le handicap est présent dans les sociétés humaines.
Elle s’appelle Valérie Delattre, cette archéo-anthropologue de l’INRAP travaille sur les pratiques funéraires au cours de l’histoire.
En 2008, dans le cadre de son travail associatif dans le milieu du handicap, elle rencontre le champion paralympique Ryadh Sallem qui lui demande un jour à quoi pouvait ressembler la vie dans les sociétés anciennes, des personnes comme lui, lourdement handicapées.
Valérie Delattre ne sait pas répondre. Mais elle décide de relever le défi et parvient à convaincre ses instances scientifiques de faire de la différence physique, un vrai thème de recherche en proposant d’explorer la paléo-pathologie, c’est à dire, la médecine du passé. Un travail qui a confirmé que de tout temps, le handicap est présent dans les sociétés humaines.
Quels sont les témoignages apportés par les vestiges ?
À Qafzeh en Israël, les archéologues ont mis au jour les restes d’Homo sapiens datées d’environ 100 000 ans. Parmi eux, ceux d’un enfant atteint d’une forme d’hydrocéphalie qui a dû entraîner une perte d’autonomie et un accompagnement soutenu de la part de son entourage. Et fait très rare pour l’époque, cet enfant gravement malade, partage sa sépulture avec un jeune adulte. Cette double sépulture montre que ses proches ont souhaité l’accompagner et le protéger également dans la mort. Une forme de « paléo-compassion »
Les fouilles archéologiques ont aussi révélé qu’à partir du néolithique il y a moins de 10 000 ans, on trouve des neuro-chirurgiens de la préhistoire qui interviennent de façon méticuleuse pour trépaner des crânes avec des silex.
Et puis l’analyse des vestiges indiquent que l’homme a été capable très tôt de soulager et appareiller les corps malades. A Cutry en Meurthe et Moselle a été mise au jour la sépulture d’un homme de 40 ans ayant vécu au VIIe siècle et dont les deux avant-bras ont été amputés. Dans sa tombe se trouvait une prothèse qui est un modèle d’ingéniosité et d’entraide collective. Les artisans de l’époque ont dû rassembler leur talent et leur compétence pour lui fabriquer un dispositif avec une fourche en fer fixée par des lanières en cuir ce qui lui a sans doute permis de s’alimenter seul. Les personnes de ce village se sont donc mises au service d’une personne vulnérable et très dépendante.
Que nous apprend cette archéologie du handicap ?
Elle nous renseigne non seulement sur le passé des corps qui s’écartent de la norme et qui ont aussi fait l’objet de rejet ou de dissimulation ; mais elle s’inscrit largement dans nos préoccupations contemporaines par exemple autour de l’inclusion et du regard que nous portons sur la différence.
Autant de sujets qui peuvent éclairer nos tabous et nos peurs et nous inspirer pour reconsidérer la place des personnes handicapées dans la société, le problème de l’accessibilité des lieux et la question de l’accompagnement.
Rappelons qu’en France, 20% de la population serait touchée par un handicap.
Le travail de Valérie Delattre se retrouve dans un petit livre sensible et bouleversant intitulé Handicap, quand l’archéologie nous éclaire, publié aux éditions le Pommier.
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