Ce matin : les trois leçons du dénouement du feuilleton Alstom.
La première leçon concerne les éditorialistes, les journalistes, mais aussi les responsables politiques. Le mois et demi qui s'est écoulé aura montré combien il est plus difficile de commenter, d'avoir tout simplement un avis, sur un feuilleton de ce type que sur une simple mesure fiscale par exemple. Turbines à vapeur, à gaz, activités de signalisation dans les transports, garanties nucléaires : la technicité et la complexité des métiers d'Alstom, de Siemens et de Mitsubishi, est extrême et hors de portée de qui découvre le sujet en quelques heures. Une certaine modestie aurait dû dès lors s'imposer. On a pourtant vu des déclarations péremptoires, médiatiques et politiques, assurant que le plan B, l'offre Siemens, était meilleure parce qu'elle était européenne, alors qu'il était visible dès le départ que ce schéma n'avait - hélas - pas d'avenir. Et d'ailleurs le plan B est devenu un plan surtout japonais. Même amélioré, c'est en définitive le plan A défendu par Patrick Kron qui l'a emporté. Première leçon : les spécialistes ne disent pas toujours des choses idiotes!
Deuxième leçon, sur le rôle de l’Etat.
Disons-le : l'Etat a bien joué. En termes de communication, c'est évident: il réussit à apparaitre comme malin et stratège dans une opération qui in fine est une opération réalisée dos au mur, parce que Alstom est en difficulté. Médiatiquement, l'idée d'une alliance du type de celle entre Safran et General Electric dans les moteurs d'avion s'installe au lieu et place de celle d'un rachat. D'un rachat ou, pire encore, d'une mort annoncée comme cela avait été le cas avec Péchiney. Sur le fond, maintenant, Arnaud Montebourg et François hollande ont fait monter les enchères et ils ont obtenu des garanties. Mais l’unité de vues entre Arnaud Montebourg et François Hollande est une fable : jeudi soir, Arnaud Montebourg était toujours partisan, seul contre tous, d’un veto à GE, et partisan de la solution baroque Mitsubishi. Hollande a dû lui imposer de revenir à la raison. La nationalisation partielle – coûteuse- apparait surtout comme un lot de consolation pour lui, et comme le moyen de ne pas faire moins que Sarkozy qui, lui aussi, était rentré à hauteur de 20%. Je peux vous dire que ce week-end, l’Elysée était agacé que Montebourg ramasse la mise. Troisième leçon : l'histoire ne fait que commencer et il ne faut pas être dupe.
Oui. Dans l'énergie, GE reprend plus de la moitié du chiffre d'affaires d'Alstom - les centrales à gaz et à vapeur - et les décisions seront les siennes sauf dans le nucléaire. Si GE a accepté autant de concessions, ce n'est pas seulement pour les beaux yeux d'Arnaud Montebourg, c'est que le deal est intéressant ! Et ce qui l'intéresse, c'est la qualité de nos ingénieurs. Dans les transports et le train maintenant, Alstom reste autonome mais petit et tout cela ne corrige pas ses faiblesses, le fait que sans les commandes de la SNCF, le groupe serait en difficulté et qu’il est à la peine face aux géants chinois qui font des trains low cost que nous n'avons pas. Troisième leçon : nous rêvons d’un Renault Nissan à l'envers où GE vient sauver un Alstom qui, guéri, reconquiert le monde. Ce n’est pas le cas.
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