L’affaire Cahuzac tombe au plus mauvais moment, y compris économique.
Il n’y a jamais de bon moment pour ce genre d’affaires. Cela crée un climat délétère. La droite se venge avec intérêts de tous les procès en moralité qui lui ont été faits pendant le quinquennat Sarkozy ; la gauche flotte ; et tout le monde attend des révélations supplémentaires. Cahuzac ne peut avouer qu’une fois, mais on ne peut exclure des rebondissements. Cela tombe mal alors que le pays doit se concentrer sur les moyens de rester dans la course de la mondialisation et sur la lutte contre le chômage.
Le ministère des Finances est-il fragilisé ?
Oui. Mais cette affaire concerne surtout François Hollande. Quand Jérôme Cahuzac a démissionné, on s’est dit : le « bad cop », le dur du Budget, s’en va. L’opposition essaie maintenant de transformer Pierre Moscovici, en fusible. Le ministre des Finances, qui est aussi dans le collimateur de Mediapart se défend comme un beau diable mais cela n’a pas empêché le Grand journal de Canal+, hier soir, d’afficher en bandeau du bas de l’écran « Moscovici savait-il ? ». Savait-il ou aurait-il dû savoir, parce qu’il était le patron de Cahuzac ? On peut imaginer qu’il ne savait pas, mais il a été manipulé par la défense de Cahuzac, ce qui est une faute aussi.
Cette affaire tombe en pleine campagne fiscale … cela peut avoir des conséquences ?
Les contribuables reçoivent actuellement les formulaires pour leurs déclarations de revenus. On pourrait imaginer des réticences d’un certain nombre de personnes après cette affaire, des tensions aussi avec les agents du fisc qui ont été dirigés par quelqu’un qui traquait la fraude tout en fraudant. En même temps, la France est un pays connu pour non pas son civisme fiscal, mais la considérable efficacité de son système de recouvrement fiscal. Donc, oui, les Français paieront leurs impôts. En revanche, tout cela alimente le ressentiment sur le niveau des impôts.
Au fond, qu’est-ce que cette affaire peut changer sur l’économie ?
Au(delà de l’attentisme, du manque de confiance, d’abord un formidable gaspillage d’énergies collectives, au moment où, encore une fois, la priorité est de tendre les forces sur le redressement du pays, qui va mal, dont la croissance va mal, l’emploi va mal, l’industrie va mal, la sphère publique va mal alors qu’il a d’énormes atouts et de forces.
Ensuite ?
Le risque est que ce scandale serve de prétexte à tous ceux qui voudront lui faire dire plus qu’il ne dit. Qui réclameront, parce qu’un ministre du Budget a été lamentable, un changement de politique, qui voudront prendre leur revanche sur les gens raisonnables, envoyer balader les efforts, la réduction des déficits, la compétitivité. C’était le sens de la déclaration vue et revue de Gérard Filoche, le socialiste de la gauche de la gauche, sur LCI mardi soir. Derrière l’émotion, le discours était en réalité très construit. C’était aussi le sens d’une déclaration de Cécile Duflot hier dans le huis clos du conseil des ministres. Tuer le message au nom de la défaillance du messager : ce serait le pire de ce qui peut arriver.
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