L'idée s'est imposée que la France urbaine (et mondialisée) s'opposerait à celle des périphéries (plus malheureuse) : c'est une des grilles de lecture des Gilets Jaunes. Une enquête de l'Insee montre que le lieu de vie n'a pas de conséquence sur le sentiment de bien-être. Décapant.
Avec un travail intéressant qui va à rebours de la thèse selon laquelle il y aurait une France urbaine et dans la mondialisation et une autre à la périphérie et perdante. Vous avez reconnu les mots, c’est la lecture qu’a depuis longtemps un chercheur à succès, Christophe Guilluy, et que le mouvement des Gilets Jaunes paraît valider.
Mouvement né et qui a grossi dans les petites et moyennes villes parce que, pense-t-on, leurs habitants y sont plus malheureux et y vivent moins bien.
L’Insee a interrogé 15.000 Français représentatifs et leur a demandé de noter à 1 à 10 leur satisfaction dans la vie. La note moyenne de ce bien-être est de 7,2.
Mais l’important est que la note varie beaucoup selon le niveau de vie, la santé, l’âge ou la situation familiale, c’est logique, mais peu ou pas du tout selon l’endroit où l’on vit. En voilà une surprise !
Dans les communes rurales, les villes de moins de 5.000 habitants, la région parisienne, les villes de 300.000 habitants, le bien-être exprimé est le même. Il est juste un peu plus bas loin des centres économiques, mais dans l’épaisseur du trait.
Bref, la géographie joue moins qu'on ne croit. Alors, quelles explications ? Je précise que si cette enquête lourde a été faite en 2017, bien avant les Gilets Jaunes, ces données sont stables dans le temps. L’explication est que le bien-être est une notion large qui renvoie aussi à la vie personnelle.
Mais on voit donc que les fractures économiques sont plus sociales que territoriales, la comparaison monétaire entre petites et grandes villes ne suffit pas, le coût et les conditions de vie y sont différents.
Les fractures traversent la géographie, il y a des gens en difficulté en ville aussi, en banlieue aussi, partout il y a des parents célibataires qui ont eu du mal à joindre les deux bouts. L'urbaniste Pierre Veltz montre lui aussi que la lecture univoques sont insuffisantes.
Alors, du coup, LA question est : pourquoi ce mouvement-là ? Peut-être parce qu’il exprime plus une colère qu’un mal-être, une distance ressentie par rapport aux décisions d’en haut.
Une partie de la France a l’impression d'avoir disparu de l’écran radar et on pense (sans jeu de mot) à la façon dont le 80 km/h a été décidé -même si je crois que c’était une bonne décision.
Au total, c’est très très loin d’être seulement une question d’argent.
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