

Le gouvernement vient d’annoncer la baisse de 5 euros par mois de l’APL, l’aide personnalisée au logement. Pourquoi cette décision ?
La France a un vrai problème dans sa politique du logement. Le soutien au secteur, toutes aides confondues, dépasse 40 milliards d’euros. C’est énorme. Deux fois plus que la moyenne européenne, quatre fois plus qu’en Allemagne. Et malgré ces milliards, les Français ne sont pas mieux logés que leurs voisins. Cette inefficacité de la dépense publique vient notamment du fait que cet argent pousse les prix de l’immobilier à la hausse. Plus l’Etat dépense, plus les prix montent, plus l’Etat devrait dépenser pour aider les moins aisés à se trouver un toit. Le serpent se mord la queue.
Comment pouvez-vous affirmer que les allocations font monter les prix ?
Quand on vous donne de l’argent pour acheter quelque chose, vous pouvez dépenser davantage pour l’acheter. Des travaux scientifiques le montrent sur un magnifique cas d’école dans les années 1990, quand l’APL a été étendue aux étudiants. Plusieurs chercheurs ont évalués l’impact de cette nouvelle subvention sur les chambres de bonne et autres logements d’étudiants. Devinez quoi : les loyers ont largement augmenté. Les propriétaires ont récupéré au moins les deux tiers de l’allocation versée aux étudiants. Autrement dit, si un étudiant a perçu 100 euros d’APL, son loyer a augmenté en moyenne de 66 euros tombés directement dans la poche du proprio. C’est d’ailleurs l’un des rares sujets qui fait consensus entre les économistes. A l’occasion de son 20e anniversaire, le Conseil d’analyse économique a publié au début du mois une enquête auprès de ses membres et anciens membres. Ils ne représentent pas tout l’éventail de la profession, mais ils sont loin d’être d’accord entre eux. Eh bien, le sujet sur lequel ils sont le plus d’accord, c’est que les aides à la location poussent les loyers à la hausse.
La baisse de l’APL serait donc une bonne mesure ?
A long terme, évidemment. Il n’est pas normal que l’Etat subventionne des propriétaires aisés. Le problème, c’est qu’avant le long terme, il y a le court terme. La baisse de l’APL ne va pas faire baisser les loyers tout de suite. Dans un premier temps, elle va fatalement se traduire par un appauvrissement de certains des Français les plus pauvres. C’est injuste. La vraie solution passera par un ciblage beaucoup plus précis des aides. Un détenteur d’iPhone pourrait sans doute vivre avec une APL réduite, même si ça ne peut pas être un critère décisif. Reste qu’un vrai ciblage, ça ne peut pas se faire en trois semaines.
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