L’étude d’Oxfam dénonçant la part des bénéfices du CAC40 versée aux actionnaires a fait du bruit hier.
Cette étude dit que depuis 2009, les grands groupes français ont redirigé vers leurs actionnaires 68% de leurs bénéfices, contre seulement 27% vers les investissements et 5% vers les salariés. Énorme succès. Il est certain que la part des actionnaires a grimpé l’escalier ces dernières années, on y reviendra dans un instant.
Mais quelle interprétation en faire ? A vouloir charger la barque, on risque de tomber dans la caricature.
- Mettre ainsi en parallèle ce qui est versé après le bénéfice aux salariés et aux actionnaires est contestable. Le dividende est la seule rémunération de l’actionnaire, l’intéressement et la participation sont la seconde rémunération des salariés après le … salaire.
- Ensuite, les chiffres. Quand on parle dividendes, les dizaines de milliards impressionnent. Mais si on les rapporte à la valorisation du CAC 40, on s’aperçoit que le capital des propriétaires des entreprises a été rémunéré à 3,6 % l’an dernier. Plus que le Livret A, mais l'argent déposé sur le Livret A n'est jamais menacé. Si les actionnaires sont aussi chouchoutés qu’on le dit, pourquoi y en a-t-il si peu en France ?
- Quoi encore ? Dire que les sociétés françaises lâchent plus en dividendes qu’aux Etats-Unis est franchement risible. Là-bas, les actionnaires sont autant payés en rachats d’actions qu’en dividendes.
- Enfin et surtout, le CAC40, qui gagne de l’argent hors de France, n’est qu’un tout petit bout de l’économie. Depuis 2007, "le partage de la valeur ajoutée s’est déformé en faveur des rémunérations des salariés", écrit l’Insee dans la dernière édition de ses Entreprises en France (page 84).
Conclusion ?
Oui, les actionnaires ont pris une place croissante, ici comme ailleurs, dans le quadrilatère clients-managers-salariés-actionnaires. Et c'est vrai que les investissements en pâtissent parfois - à condition de dire que des investissements dans le numérique aujourd'hui coûtent moins cher que dans des usines hier.
Mais le plus ennuyeux, en France, n’est pas là : c’est depuis longtemps la concentration de l’économie autour de ces grands groupes, vers qui se tournent les talents, l’épargne, les capitaux et les clients.
Trop pour les actionnaires du CAC ? Peut-être. Mais pas assez d’actionnaires pour les belles PME ou les entreprises de taille moyenne qui sont trop peu nombreuses, c’est sûr.
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