Vous avez, sur les manifestations prévues aujourd’hui contre la loi El Khomri, deux certitudes et une question.
Première certitude, et c’est un argument qui à première vue apporte de l’eau au moulin des manifestants, c’est qu’on ne peut pas dire combien cette loi créera d’emplois. C’est le paradoxe des défenseurs de cette réforme. François Hollande, Valls, Macron et El Khomri ne travaillent pas pour eux, ils n’en verront pas les effets avant 2017. Logiquement, cela devrait inciter à saluer la beauté du geste, mais il se produit l’inverse dans l’opinion et chez les opposants. Les effets de la loi sont non chiffrables parce que son objectif est de décoincer un marché du travail à deux vitesses. Le taux de chômage n’est pas descendu sous 7% depuis trente-trois ans alors que ce taux est banal ailleurs. Notons que nos plus éminents économistes, le Prix Nobel Jean Tirole, Olivier Blanchard, Philippe Aghion (ces deux-là classés à gauche) soutiennent la réforme qui déplace un peu le curseur du risque entre les insiders et les outsiders du marché du travail. Mais oui, dire: tant d’emplois à la clé, serait mensonger.
Seconde certitude: les manifestants que l’on verra dans la rue ne sont pas tous concernés.
La CGT et FO représentent bien sûr des salariés du privé concernés. La FSU, dont les adhérents sont des fonctionnaires de l’Education nationale, c’est moins évident. La Fédération CGT des services publics, c’est curieux aussi, comme Sud-PTT. Les salariés des entreprises publiques défendent leur statut qui n’a rien à voir avec un CDI classique. Aurons-nous les mêmes bataillons que contre les réformes des retraites ? Quant aux jeunes, si on poussait le bouchon, on pourrait dire que leur statut actuel, c’est celui du CPE de 2006, le contrat première embauche, qu’ils avaient combattu et c’est donc étrange qu’ils le défendent. Des CDD à répétition, c’est pire qu’un CDI révocable pendant deux ans parce qu’au moins on a un pied dans l’entreprise.
Votre question : jusqu’où ira le parallèle entre 2006 et 2016 ?
En 2006, Villepin bombait un torse réformateur en vue de la présidentielle de 2007, et c’est Sarkozy qui lui a savonné la planche en convaincant Chirac de lâcher prise après les manifestations. En 2016, la guerre au sein de la gauche montre que l’économie reste otage de la politique. Hélas.
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