
Vous revenez sur un coup de tonnerre qui a eu lieu vendredi en Grande-Bretagne : le gouvernement conservateur propose une hausse du Smic de 11% en deux ans !
Pour une surprise, c’est en apparence une surprise. Surtout si je vous dis que c’est le ministre des Finances, Georges Osborne, qui a fait cette annonce après avoir convaincu David Cameron.
Mais en réalité, le mouvement sur le salaire minimum est plus large. En Allemagne, on le sait, un smic va être créé, c’est dans le contrat de coalition entre Merkel et les sociaux-démocrates. Aux États-Unis, c’est Obama et les Démocrates qui défendent l’idée d’une revalorisation de 40% du smic dans les années qui viennent – même si là les chances que cela passe au Congrès américain sont égales à zéro.
Quelle est la cause de cet engouement soudain ?
Il y a des raisons politiques – à Londres, après trois ans d’austérité, le gouvernement veut envoyer d’autres signaux. En Allemagne, la chancelière n’a pas eu le choix. Mais plus profondément, c’est le constat universel que les inégalités se sont accrues depuis le début de la crise financière en 2008. Aux Etats-Unis, le taux de pauvreté est plus élevé qu’il ne l’a été depuis cinquante ans ; et les neuf dixièmes de l’augmentation de la richesse sont allés à 1% des Américains. C’est insupportable. En Grande-Bretagne, les salaires réels ont baissé ces dernières années. Rude ! Signe des temps, l’hebdomadaire anglo-saxon et libéral The Economist approuve, dans un article récent, les coups de pouce évoqués à Londres et Washington. C’est dire le chemin parcouru et la révolution intellectuelle accomplie !
Peut-on comparer tous ces pays et la France ?
La ministre de notre gouvernement -on taira son nom par charité- qui s’est vantée que « c’est la force de conviction française qui pousse les autres pays dans cette voie » a perdu une bonne occasion de se taire. Car avant les cocoricos, il faut regarder les faits. A Washington (beaucoup plus riche), Obama rêve d’un smic à 7,35 euros à terme ; à Londres, on parle de 8,40 euros ; à Berlin de 8,50 euros en 2017. En France, le Smic s’élève à 9,53 euros depuis le premier janvier. Quand on regarde l’Europe, seuls la Belgique et les Pays-Bas, dans les grands États, sont un chouïa au dessus du smic français. Mais outre le niveau, ce qui frappe est que tous les pays qui parlent du Smic aujourd’hui – et encore une fois tant mieux - en parlent parce qu’ils ont gagné la bataille de l’emploi et du chômage, et qu’ils s’attaquent maintenant à la pauvreté.
Quelle leçon de tout cela pour la France ?
Que nous avons à l’évidence et depuis longtemps fait un choix social différent des autres. Ceux qui sont en emploi ici ont une garantie de revenu plus élevée – même si c’est difficile de vivre avec cela en tous cas en ville. Mais le chômage est aussi plus élevé en France que dans les tous pays évoqués depuis deux minutes. A partir de là, si nous voulons conserver notre choix, la question à se poser est quand même peut-être de savoir si le Smic n’est pas trop élevé pour les dizaines de milliers de jeunes qui n’arrivent pas à trouver un poste.
Aller plus loin :
L'information sur l'augmentation sur le site du Guardian et son analyse
Les chiffres sur le nombre de personne qui touche le salaire minimum (en anglais)
Les liens
L'équipe
- Production
- Chronique