Renault-Fiat : un grand gâchis

Combinaison des deux logos Renault et Fiat Chrysler automobiles
Combinaison des deux logos Renault et Fiat Chrysler automobiles ©AFP - FABRICE COFFRINI / AFP / FIAT PRESS OFFICE
Combinaison des deux logos Renault et Fiat Chrysler automobiles ©AFP - FABRICE COFFRINI / AFP / FIAT PRESS OFFICE
Combinaison des deux logos Renault et Fiat Chrysler automobiles ©AFP - FABRICE COFFRINI / AFP / FIAT PRESS OFFICE
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Le projet de fusion entre Renault et Fiat-Chrysler a échoué cette nuit. Bercy, Renault et Fiat se renvoient la responsabilité de l'échec. Renault n'a pas convaincu l'extérieur que le deal était équilibré et se ferait avec Nissan. Le contexte politique a pesé sur l'attitude de l'Etat, qui s'est durcie au fil des jours

Jean-Dominique Senard, le patron de l’ex-Régie, et John Elkann, le représentant de la famille Agnelli qui contrôle le constructeur italo-américain, voulaient former ensemble le 3ème constructeur mondial, et même de loin le 1er avec Nissan. A minuit et demi, Fiat a retiré son offre, ce qui a été confirmé par un communiqué à 1 heure 17. Le gouvernement français avait auparavant demandé plus de temps pour vérifier l'implication et l'intérêt de Nissan - la priorité mise en avant par Bercy. 

Une négociation hors-norme

Bruno Le Maire a tiré l’élastique, surtout après l’annonce de 1.000 suppressions d’emplois chez General Electric à Belfort, et l'élastique a lâché. Mais Jean-Dominique Senard, lui, avait-il suffisamment tendu l’élastique pour que les intérêts de Renault et l'alliance avec Nissan soient préservés ? C'est toute la question à laquelle beaucoup d'experts répondent non. La direction de Renault, curieusement, s'est peu exprimée pour défendre son scénario de fusion depuis le dépôt de l'offre par FCE, il y a dix jours.

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Avant de répondre à la question clé : « faut-il regretter cet échec ou a-t-on évité une grosse bêtise ? », il faut rappeler combien cette négociation était hors-norme. 

-Hors-norme par sa rapidité,  un mois depuis les premiers contacts quasi-officiels c’est inhabituel - et anormal.

-Hors-norme par le nombre d’interlocuteurs, Renault, Fiat-Chrysler, Nissan, l’Etat français

-Hors-norme enfin par une étrangeté : l’absence de soutiens manifestes au deal en dehors des acteurs. Beaucoup d’experts étaient sceptiques et en coulisses la campagne anti était énorme. Patrick Pelata, l’ancien directeur général de Renault débarqué en 2011 après l’affaire des espions, proche de Carlos Ghosn, a inondé Paris de mails critiques et Carlos Ghosn lui-même a fait savoir son hostilité. 

Hier, Xavier Bertrand a pris position contre le projet, avec des arguments de fond, mais au risque aussi de donner l’impression d’un épisode de la guerre des droites contre Le Maire.

Alors, échec à regretter ou échec salutaire ?

C'est un échec à regretter si on prend du recul. C'est un gros gâchis. Un mariage européen avait sur le papier du sens et méritait d'être étudié : le mur d’investissements dans la nouvelle révolution automobile est énorme et on voit que l’alliance avec Nissan est difficile. 

Mais à qui la faute ?

- 1er point. Jean-Dominique Senard a-t-il été naïf ? Il a obtenu le soutien des syndicats, mais a court-circuité Nissan. Son analyse était probablement qu'avancer avec Nissan était devenu difficile. La façon dont s'est passé le CA de mercredi soir (les administrateurs de Nissan maintenant le flou) montre en tout cas que Renault (qui contrôle pourtant le Japonais à 43%) n'a pas prise sur lui, en vertu des accords de 2015. ce ne peut être plus clair : dans le futur ensemble, les Agnelli auraient donc bien eu 15% et l'actionnaire de référence de Renault -l'Etat- 7,5%.

Jean-Dominique Senard est incontestablement fragilisé trois mois après sa prise de fonction. 

- 2ème point. Fiat a-t-il été arrogant ? Oui. L'expression n'avait pas été prononcée par le "à prendre ou à laisser" de vendredi dernier ne pouvait qu'exaspérer les Français.

-3ème point. Quid du rôle de l'Etat ? Il a joué à temps et contre-temps, s’enthousiasmant puis freinant. le calendrier politique a pesé lourd dans ce coup d’accordéon. Sa main  a tremblé et lui comme le patron de Renault ont sous-estimé la possibilité pour Fiat de claquer la porte.

Que va-t-il se passer ? On a du mal à imaginer un rebondissement, une nouvelle offre de Fiat. Fiat peut aussi aller chercher un mariage avec d'autres, en Asie. Mais John Elkann n'apparaît pas en très bonne forme, après l'échec de discussions avec PSA puis Renault. 

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