Les nouvelles prévisions montrant un déficit moyen de 12 milliards du système de retraite à l'horizon 2025 compliquent l'horizon du gouvernement : sa réforme initiale (tout remettre à plat) doit être complétée (ou précédée) d'un sauvetage financier. Dans ce dernier cas, l'exécutif a toutefois un argument-massue.
De nouvelles prévisions financières pour les retraites ont été publiées hier. Que changent-elles ?
Ces prévisions mettent-elle fin à une illusion. Celle-ci : l’idée que la grande transformation de notre système de retraites voulue par Emmanuel Macron sera seulement une opération de transferts, de vases communiquants, entre différentes catégories de Français et 43 régimes pour assurer davantage d’équité. Depuis hier, on sait qu’il va falloir traiter un autre problème : le déficit des retraites.
Pour des raisons démographiques, le Conseil d’orientation des retraites l’évalue entre 8 et 17 milliards d’euros en 2025. Certains penseront (et la CFDT au premier rang) que c’est peu par rapport à l’ensemble des dépenses de retraite, 325 milliards d’euros, et que le plus important n’est pas de boucher les trous, mais de rendre la maison présentable. Lecture séduisante, légitime, mais peut-on transférer à la génération suivante le soin de payer les déficits d’aujourd’hui ? Difficile.
Au total, l’affaire des retraites se complexifie diablement. Emmanuel Macron ne doit plus traiter un problème (le passage à la retraite par points) mais deux problèmes (sa réforme + le déficit). Au total aussi, la piste de l’âge pivot à 63 ans et demi, avec un malus avant et un bonus après, revient au galop. Tandis que la remise à plat générale s’éloigne dans le brouillard. La fameuse clause du grand-père (un terme totalement impropre : la clause du petit-fils serait plus logique) va redevenir très tendance - il s'agit d'appliquer une réforme aux nouveaux entrants sur le marché du travail, c'est-à-dire pas avant 45 ans !
Que s’est-il passé pour que le gouvernement soit dans la nasse avec des grèves devant lui ?
Un : le calendrier initial a explosé, bouleversé par les "gilets jaunes". Normalement, la réforme aurait déjà dû être présentée. Deux : la cacophonie au sein de l'exécutif n’a pas arrangé les choses.
Mais attention, le gouvernement a quand même un argument massue pour agir : où en serait-on si aucune réforme des retraites n’avait été faite depuis vingt-cinq ans ? Chaque réforme, 1993 (Balladur), 2003 (Fillon), 2010 (Woerth) et 2014 (Touraine) a été contestée dans la rue, mais sans elles, apprend-on dans le document du COR, la dépense publique de retraite ne serait pas égale à 14% du produit intérieur brut mais à 19% - en clair il faudrait y consacrer 120 milliards de plus par an. Les cotisations sociales seraient beaucoup plus élevées, le pouvoir d’achat beaucoup moins élevé. Dans tous les pays, partout, les équilibres démographiques imposent de travailler plus longtemps.
Question : la bataille des retraites permettra-t-elle aux conducteurs de la RATP et de la SNCF de continuer d’avoir une retraite à taux plein à 54 ans et deux mois comme aujourd’hui en 2019 (un âge qui monte très doucement année après année) ? Les paris sont ouverts.
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