Le salaire des enseignants.
Cela commence comme une histoire du jour racontée par l’ami Philippe Lefébure. Le proviseur d’un lycée parmi les 200 plus gros de France - plus de 2.000 jeunes, environ 250 enseignants -, m’a envoyé une clé USB sur laquelle il y a un fichier Excel. Et sur ce fichier, figurent tous les salaires versés en 2011 à chacun de ses professeurs, à l’euro près, au centime près. Pourquoi cela ? Le proviseur de ce lycée dont on taira le nom, n’en peut plus, dit-il, d’avoir entendu toute l’année les plaintes de ses enseignants sur leurs revenus. Il a laissé passer les élections, mais un communiqué syndical très récent sur le sujet le pousse à lever le voile. Quel est le message de ce fidèle auditeur d’Inter ? Sans être mirobolants, les revenus dont il est question seraient loin d’être aussi catastrophiques et indécents qu’on le croit parfois - notamment si on les met en relation avec la durée des vacances.
C’est-à-dire ?
Précision : il s’agit d’un lycée non parisien, avec des filières générales, technologiques et professionnelles, quelques BTS et quelques petites « classes prépa ». Bref, un lycée normal, avec, quand même, pas mal d’agrégés. En 2011, dans ce lycée-type, le salaire a atteint 2.800 euros nets par mois en moyenne. Nets, cela veut dire que c’est ce qui a été réellement viré sur le compte des enseignants à temps complet. Comment situer ce salaire de 2.800 euros ? Un Français sur deux du secteur privé gagne moins de 1.700 euros nets par mois, nous a appris hier l’Insee (ce que l’on appelle la médiane). Ce salaire de 2.800 euros, lui, est donc bien au-dessus (ce qui est normal), tout en se situant bien en dessous de la moyenne des cadres du privé.
Avec une assez grande dispersion …
C’est ce qui frappe. Sur l’ensemble des enseignants de ce lycée, une vingtaine gagne moins de 2.000 euros par mois, le gros des troupes à plus ou moins 3.000 euros. Mais une trentaine dépasse 3.500 euros nets, une quinzaine 4.000. Certains mois, une dizaine dépasse 5.000. Un a gagné 9.400 euros nets en décembre ! L’ancienneté explique cette dispersion puisque les revenus progressent avec les années d’enseignement. Mais il y a aussi les heures supplémentaires. Et aussi, pour quelques-uns, les khôlles, ces oraux spécifiques aux classes prépas.
Quelles conclusions tirer de cette « fuite » d’un proviseur ?
Les enseignants, notamment les capétiens ou les agrégés, sont parmi les plus diplômés de France et méritent bien sûr un salaire conséquent. Mais il est clair que tout cela ne correspond pas forcément à ce que l’on a en tête. Notre proviseur précise même qu’une soixantaine de ses profs ont d’autres revenus liés à des formations, des cours donnés ailleurs ou dans le privé, qui rajouterait du beurre dans les épinards. Ensuite, la différence avec le primaire, voire le premier degré, saute aux yeux. La vraie misère des enseignants est là. Enfin, la fin de la défiscalisation des heures sup va avoir un vrai effet sur le revenu de ces enseignants, qui en ont été les principaux bénéficiaires mais une chose est sûre : l’agacement de ce proviseur va susciter des réactions.
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