Dominique Seux nous propose un regard sur la partie économique du débat d’hier soir.
Oui, un sujet a été abordé tardivement et plusieurs erreurs factuelles gênantes ont été entendues. Le sujet trop absent, c’est l’euro. La fin de l’euro et le retour au franc que propose Marine Le Pen constituent la proposition la plus lourde de conséquences économiques, politiques, historiques, de la campagne. L’euro n’est pas seulement dans nos portefeuilles depuis 2002, c’est un projet né dans les années 80 sous les auspices de la gauche et de la droite. Il est étrange que cette question n’ait été abordée que vers 23 heures 30 et que c’est seulement à ce moment-là que le projet de Marine Le Pen ait commencé à être mis en cause sérieusement par ses adversaires. Bon, c’était le déroulé de l’émission, mais seules quelques petites minutes ont été consacrées à ce sujet absolument majeur. On note que François Fillon et Emmanuel Macron ont défendu l’euro et dit fort justement que l’argument de l’absence de conséquence du Brexit n’en est pas un puisque le Royaume-Uni n’est pas encore sorti de l’Europe. En revanche Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon n’ont pas dit un mot pour défendre la monnaie unique.
Et aussi trois erreurs factuelles entendues...
On a entendu que l’espérance de vie reculait en France – c’était sur les retraites. C’est faux. Il y a un petit recul en 2015 mais les données pour 2016 publiées en janvier montrent qu’elle est repartie à la hausse. Évidemment comme c’était plutôt une bonne nouvelle, cela n’a intéressé personne.
Ensuite, on a entendu qu’il y a sept millions de chômeurs en France. Ce n’est pas vrai. 6,6 millions de personnes sont bien inscrites à Pôle Emploi, mais si sur ce total, 3,8 millions sont sans emploi, les autres occupent des emplois à temps partiel et aussi à temps complet. C’est un échec collectif impardonnable, mais ce n’est pas le chiffre annoncé.
Enfin, on a entendu que la France compte neuf millions de pauvres. Ce chiffre inclut tous ceux qui ont un revenu inférieur à 60 % du revenu médian, le revenu qui partage la France en deux. Un spécialiste reconnu comme Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, est extrêmement sévère sur ce critère très large qui sous prétexte de frapper les consciences ne veut plus dire grand-chose parce qu’il recouvre des situations très différentes. Au total, ces exagérations répétées et répétées font le lit des populistes.
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