

Le ministère des affaires étrangères russe recommande un site en quatre langues, pour démêler les fausses informations sur la guerre.
Intitulé « Waronfakes.com », disponible sans frais, ni inscription en français, anglais, chinois et espagnol, ce projet numérique - signé par d’obscurs experts soi-disant apolitiques – entend scruter les infos trompeuses circulant sur les réseaux sociaux et rétablir la vérité. Hier, on pouvait y lire : « Fake », la photo de « cette écolière qui a survécu au bombardement russe de l’école de Tchernihiv », alors que l’école a été évacuée et que le sang séché sur le visage de la fillette se révèle du maquillage. « Fake », « l’armée russe tire sur des enfants », alors que la photo qui accompagne cette info a été prise en Syrie en 2008. « Fake », les militaires russes seraient fournis en rations alimentaires périmées, alors que l’armée n’utilise pas les produits qui figurent sur la vidéo, etc…
Tout est grossier ici : les infox autant que leurs rectificatifs bâclés en quelques lignes
Pas d’enquête, pas de sources. Un contre-récit assené vite-fait et passé à la moulinette approximative de Google trad, ce qui donne des formules parfois aberrantes en français. L’objectif : 1) marteler que le camp ukrainien manipule l’information, 2) semer le doute sur les crimes de guerre attribués aux Russes, notamment lorsqu’ils touchent des civils, 3) délégitimer les médias qui s’attachent, depuis le milieu des années 90, à vérifier l’information.
« Waronfakes » reprend à son compte le vocabulaire des chasseurs de fausses infos et le retourne contre eux. « Waronfake ».
C’est toute la grammaire visuelle des rubriques spécialisées (qui barrent les images litigieuses d’énormes tampons rouges : « FAKE » en majuscule), mais mise au service de la propagande russe. C’est l’artillerie journalistique conçue pour endiguer en urgence la circulation des rumeurs et mensonges, mais qui en distille à son tour.
Bref, c’est le casse-tête de Donald Trump accusant CNN de fabriquer des « fake news », alors qu’il ment lui-même comme un arracheur de dents
Et que la chaîne d’info s’épuise à démentir les mensonges du président. C’est la stratégie de Steve Bannon, ancien stratège de Trump et tête de pont d’extrême-droite américaine, qui tient en une injonction : « il faut inonder la zone de merde ! ». Comprendre : occuper le terrain médiatique, parler plus fort que les autres, multiplier les provocs et les bobards dans des proportions telles que les journalistes et adversaires seront noyés.
Waronfakes.com ou comment faire la guerre à la vérité en prétendant faire la guerre au faux. Ou comment accroître le sentiment d’insécurité en prétendant rassurer.
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