Sonia revient sur la prestation du chanteur Stromae, invité du 20H de TF1, présenté par Anne-Claire Coudray, dimanche soir.
J’y reviens pour ce qui s’est passé le lendemain, lundi matin, une chose rare.
En arrivant au boulot, on entendait : « T’as regardé TF1, hier soir ? ».
La séquence de télé suivie massivement la veille, la télé qu’on fait spontanément revivre – pas le clash dégueulasse que personne n’aurait jamais vu si les réseaux sociaux ne l’avaient pas fait circuler – non, le moment de télé vu pour en vrai, émouvant pour de vrai, partagé pour de vrai.
Depuis quand n’était-ce pas arrivé ?
Le lancement des chaînes de la TNT et la création de Youtube ont signé la fin d’une nation entière massée devant le JT, commentant le prime time d’hier soir à la machine à café. Nous sommes aujourd’hui éparpillés et blasés. Stromae nous a réveillés et rassemblés.
Cette prestation ne va pas sans poser de questions. Il est reçu en fin de journal, 7 minutes d’interview lambda d’un artiste en promo. Lorsque la journaliste l’interroge sur sa très grave dépression.
Il répond… en chanson sans bouger de sa place et sans lâcher des yeux la caméra qui opère un mouvement inhabituel, un plan séquence autour de l’invité, travelling superbement maîtrisé.
L’éclairage du plateau, aussi, se modifie. Un tapis instrumental vient accompagner la voix de Stromae. Par peur du pépin technique, le tout a été enregistré samedi après-midi, en une prise. Et Stromae a bel et bien chanté, ce n’était pas du playback.
Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.
Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.
TF1 imbrique donc deux exercices traditionnellement cloisonnés
L’info et le live musical, réservé au divertissement. Sur France 2, Laurent Delahousse, le dimanche, prend soin de bien séparer son journal de ses artistes invités. La culture fait partie de l’info, ce n’est pas le problème. Mais la première chaîne a choisi d’insérer une séquence entièrement mise-en-scène au déroulé de l’actualité. Joyeux mélange des genres qui met sur un pied d’égalité l’intervieweur et l’interviewé.
C’est grave docteur ? Non, c’est super beau
Dans une période où le moindre doute sur la moindre séquence fait péter les plombs des complotistes et des vérificateurs de faits qui leur répondent, jouer ainsi avec les codes du JT, c’est faire confiance au téléspectateur, à sa culture de l’image, à sa compréhension de l’information, à sa lucidité face à un artiste en promotion.
C’est aussi accorder un poids exceptionnel aux paroles de cette chanson dites, en costard cravate, par un homme-tronc. C’est accorder à la maladie mentale une dignité inédite dans l’histoire de la télé. C’est guetter la larme de Stromae, absolue authenticité dans un moment fabriqué. Qui peut en douter ?
L'équipe
- Production
- Autre