"Le Prince de Bel-Air" devient tragique et bien réel

"Le Prince de Bel-Air", série américaine qui révéla Will Smith, a été diffusée pour la première fois en 1990 sur NBC
"Le Prince de Bel-Air", série américaine qui révéla Will Smith, a été diffusée pour la première fois en 1990 sur NBC ©AFP - NBC Productions / Collection Christophel
"Le Prince de Bel-Air", série américaine qui révéla Will Smith, a été diffusée pour la première fois en 1990 sur NBC ©AFP - NBC Productions / Collection Christophel
"Le Prince de Bel-Air", série américaine qui révéla Will Smith, a été diffusée pour la première fois en 1990 sur NBC ©AFP - NBC Productions / Collection Christophel
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Le célèbre sitcom, qui a vu naître Will Smith à l'écran, célèbre ses 30 ans. Et ne finit pas de faire parler.

Ce n’est pas seulement une affaire d’anniversaire. Certes, la série « The Fresh Prince of Bel Air » est née en septembre 1990 sur NBC, mais elle reste tellement subtile et pertinente aujourd’hui. Will, adolescent, des bas-fonds de Philadelphie vient vivre dans un quartier huppé de la côte Ouest chez oncle Phil et tante Vivi, couple d’avocat et d’universitaire, avec domestique en livrée et trois enfants dans les meilleures écoles privées. Ils habitent une spectaculaire villa avec un porche à colonnade. Hier, la vraie demeure a été mise en location sur Airbnb. La nouvelle a été reprise par les médias du monde entier parce que de cette maison, on en a tous rêvé. A la télé, elle n’était pas symbole que de bling-bling, mais un foyer offrant refuge, seconde chance et ascension sociale. L’Amérique post-Reagan encore triomphante, encore confiante. De même, il y a trois jours, le casting de la série s’est réuni, 30 ans après, sur un plateau de talk-show. Il manquait Uncle Phil – le comédien est mort en 2014 : vague de tristesse mondiale. Il incarnait un pater familias universel, la bonté, l’autorité. Une figure positive, solaire même, de la loi. Toute une époque.  

La série a vu naitre Will Smith à l’écran. Acteur génial à ses débuts, silhouette dégingandée qui mettait du burlesque dans son jeu et du flow dans ses vannes. Pas étonnant, le producteur s’appelait Quincy Jones, king de la musique, mentor de Michael Jackson. Le rythme est le B.A-BA de la comédie, ici, il en devient la mélodie. 

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J’ai tout revu avec mes garçons de 13 et 15 ans. Foncez. Ils ont adoré. Au lieu de leur montrer un monde d’avant, « Le Prince de Bel Air » leur raconte l’émergence de leur monde à eux. Eux qui ont grandi avec Barack Obama, eux qui pensent que l’Amérique doit tout à Michael Jordan, eux pour qui le rap est naturellement une forme dominante et le sport un phénomène culturel majeur. La sitcom amorce cette mutation-là. 

En outre, elle a beau rire à gorge déployée des préjugés, elle encapsule aussi l’amère lucidité des afro-Américains, désabusés dans cette baraque à faire rêver. Un Noir reste un Noir. Un jeune réalisateur, fan du « Prince de Bel Air », en a d’ailleurs tiré un court métrage, même histoire, mêmes personnages mais sur le ton du réalisme social. Ca sonne tellement juste que Will Smith vient d’annoncer que cette version très dark deviendrait une série à part entière. Moins 1990, plus 2020.