Vendredi, on apprenait l’éviction du directeur de "L’Express", Guillaume Dubois, dont les ventes sont au plus bas.
L’occasion de s’interroger. Que reste-t-il de L’Express, fleuron de la presse hebdomadaire d’opinion, créé en 1953, par Jean-Jacques Servan Schreiber et Françoise Giroud pour soutenir Mendès-France ?
Que reste-t-il de sa grande modernité, de ses combats, de son ancrage politique ?
Tel est l’ADN des nouveaux magazines français : à chaque titre, sa famille idéologique. Or, on ne sait plus d’où parle L’Express et à qui il s’adresse.
Déjà, sous la férule de son très médiatique directeur de la rédaction, Christophe Barbier, L’Express avait payé cher d’avoir abusé des marronniers, mais surtout d’avoir proclamé tout et son contraire. Il n’empêche, l’hebdomadaire bénéficiait encore d’une rédaction cossue et le Christophe Barbier, foutraque et provocateur, s’avérait capable de coups d’éclats mémorables. Las, il laissa derrière lui un bilan comptable désastreux dans un marché de la presse magazine inéluctablement en berne.
En 2015, l’homme d’affaires Patrick Drahi rachète L’Express.
Saignée tous azimuts.
La famille de magazines qui entourait le titre est désossée, revendue à la pièce. L’Expansion, lui, est carrément fermé. A L’Express, plan social drastique. Le nombre de cartes de presse fond à vue d’œil. « Un carnage éditorial », hurlent les journalistes à l’époque. Entre-temps, BFMTV et RMC rejoignent ce nouveau groupe. Et c’est à Guillaume Dubois, artisan de la spectaculaire croissance de BFMTV, que L’Express est confié. Mais il y un monde entre une chaîne toute info née sur un modèle low-cost et un hebdomadaire d’opinion héritier d’une grande tradition de papier.
L’année dernière L’OBS a frappé fort sur les migrants. Marianne a pilonné obsessionnellement sur l’Islam et la laïcité. Le Point va toujours plus loin dans son libéralisme europhile. Valeurs actuelles dans sa croisade identitaire. Et L’Express ? L’Express s’est tenu. On ne l’a plus entendu.
Faisant le récit de sa propre histoire, le magazine écrivit un jour : « Catholique, conservateur, inflexible, François Mauriac fut le pôle Nord du journal, dont Albert Camus, solaire et révolté, fut le pôle Sud. Et ainsi L’Express trouva son orbite ». C’était il y a 65 ans. Depuis, L’Express n’a pas seulement perdu ses lecteurs, il a perdu sa boussole.
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