Le Quai d’Orsay vient d’adresser une note à toutes les rédactions leur demandant de renoncer à envoyer des journalistes en Syrie.
Note qui prend la peine de commencer par « Nous sommes pleinement attaché à la liberté de la presse ». Vaut mieux ! Parce que la suite est gratinée. Depuis quand le gouvernement décide-t-il en lieu et place des médias si un sujet doit être couvert ou pas ?
Que le Ministère des Affaires Étrangères alerte sur le danger extrême que représentent désormais la Ghouta Orientale ou le district d’Afrin, c’est son rôle. Mais qu’il dise officiellement : pas de son, pas de mot, pas d’image, cette guerre là, vous n’irez pas, c’est anormal. Trois grands syndicats de journalistes en sont tombés de leur chaise. Aux médias d’évaluer les risques et de prendre leurs responsabilités. D’ailleurs Radio France n’envoie aucun reporter dans ces régions en ce moment. Mais ce n’est pas au pouvoir politique de choisir quels conflits seront ou non dans vos journaux du lendemain.
Disons que pour alimenter le soupçon, voire même le complotisme, il n’y a pas mieux que ce genre de positions officielles.
Plus incompréhensible encore, le Quai d’Orsay insiste sur « la nécessité de respecter les conditions juridiques d’entrée et d’exercice du métier de journaliste des pays voisins de la Syrie ».
Génial. Y a plus qu’à se mettre en conformité avec l’administration turque ! Simple formalité qui signifie l’expulsion ou l’incarcération… Tous ceux qui enquêtent sur la Syrie passent par la Turquie, mais ce pays est devenu la plus grande prison de journalistes au monde. Par ailleurs, qui a pris le contrôle d’Afrin, bien décidé à y écrabouiller les Kurdes ? La Turquie ! Allez donc lui demander l’autorisation d’en rendre compte comme il se doit…
Si la liberté d’informer était soumise au « respect des conditions juridiques » de régimes autoritaires, que saurions-nous de l’Ukraine, de la Tchétchénie, de Tchernobyl à l’époque, du Venezuela aujourd’hui, des grands soubresauts de l’Egypte ou de l’Iran, de l’enfer du Yémen et du Soudan ?
« Et pourquoi pas demander aux Allemands une accréditation pour couvrir le Débarquement ? », m’a suggéré une journaliste dans un grand éclat de rire. C’est ça, vaut mieux en rire.
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