L’affaire Benalla... le silence du président...
Le président n’a parlé de l’affaire que deux fois : à la radio, interrogé par Nicos Aliagas, il a dit sa déception à l’égard d’un collaborateur et a tordu le cou à la rumeur sur une police parallèle à l’Elysée. C’était début novembre, la dernière fois, donc, que le président répondait (et pas en direct) à un journaliste. Avant cela, Emmanuel Macron avait évoqué l’affaire, en juillet, devant les parlementaires de la majorité, donc dans un cadre partisan et par un exercice de faux off, opportunément diffusé. On en retient une violente charge contre la presse qui, je cite, ‘ne recherche plus la vérité’. Il avait d’ailleurs affirmé à l’époque, d’une façon qui paraissait pour le coup plutôt courageuse, ne pas vouloir se défausser sur d’éventuels fusibles... et eut cette phrase aussi bravache qu’étrange pour un président ‘S’ils veulent un responsable, qu’ils viennent me chercher’. Tous les journaux, radios, télés sont allés le chercher, c’est à dire lui ont lancé des invitations... en vain.
Depuis la presse a ‘cherché la vérité’…
Et fait des révélations. Mais chaque révélation (un coffre-fort qui disparaît, des passeports diplomatiques utilisés indument) ouvre d’autres zones d’ombres. Chaque dévoilement d’un pan de l’activité débordante de Alexandre Benalla épaissit encore le mystère. Et puis l’homme en qui le président avait mis toute sa confiance a menti sous serment, devant les parlementaires. On sait maintenant, via les enregistrements révélés par Médiapart, que le conjoint de la cheffe de la sécurité de Matignon, en affaire avec Benalla, avait un lien contractuel avec un homme d’affaire russe proche de Vladimir Poutine lié à la mafia ! L’appartement de la responsable de la sécurité de Matignon était donc sonorisé, peut-être par un service français ou étranger, ou une quelconque officine ! Selon l’expression consacrée en pareil cas et, j’en conviens, un peu emphatique : on est en droit de savoir ! On peut légitimement réclamer des explications au chef de l’Etat! Les ingrédients d’une affaire d’Etat sont réunis... Après tout, rien ne dit que le président est au courant des activités d’Alexandre Benalla. Mais tant qu’il reste coi, rien ne dit le contraire non plus ! En ce moment, il parle des heures durant, chaque semaine, devant des publics variés et personne ne peut (ce n’est jamais le propos) lui demander d’évoquer cette affaire. Pourtant, pour l’instant, l’Etat, le président lui-même, peuvent encore apparaître comme victimes d’un homme qui s’est servi de sa situation au cœur du pouvoir. Le président peut, au mieux, être aussi victime de lui-même, d’un mauvais jugement sur un homme, d’une confiance octroyée à tort... Mais à continuer à se taire, il accrédite l’affaire d’Etat. Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, l’absence totale d’explications, au milieu d’un flot de paroles, entretient la suspicion. La capacité institutionnelle qu’a le président français à sécuriser son monologue accentue la distance et la défiance. Aucun autre chef d’exécutif de pays démocratique n’aurait pu rester aussi longtemps silencieux sur une affaire qui met en cause des rouages du sommet de l’Etat. Aucune modernisation de la gouvernance, là non plus, n’est intervenue avec la présidence Macron.
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