« Hollande assiégé », titre Libération , l’opposition et une partie de la gauche demandent un remaniement… Cet emballement ne serait-il pas un peu disproportionné ?
Si largement. C’est vrai que le choc de l’aveu de Cahuzac était terrible mais l’onde de choc paraît plus importante encore et, pour le coup, très artificielle et instrumentalisée. Il y a comme une perte de sang-froid généralisée d’une partie de la majorité et une utilisation abusive de cette affaire d’une partie de l’opposition : Jean-François Copé parle comme s’il voulait, en une fois, réussir à accabler François Hollande de tout ce qui a pu être reproché à Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, Jean Tiberi et autre Balkany ces quinze dernières années "Ce dont nous sommes les témoins effarés (dit-il), c'est du discrédit complet de la majorité du gouvernement, du président. C'est tout un système Hollande qui s'effondre, un système sur lequel il avait bâti son élection". Copé nous décrit, rien de moins que Don Corleone ! A gauche, souffle aussi un vent de panique. Mais si, pour la cohérence du discours gouvernemental un remaniement peut être envisagé, on n’imagine pas qu’il puisse se produire à chaud, laissant ainsi entendre que d’autres personnalités que Jérôme Cahuzac seraient responsables de quoi que ce soit dans cette affaire. En revanche, que l’on réclame de la vigueur et enfin du concret dans la lutte contre l’évasion fiscale et le contrôle du patrimoine des élus, voilà qui est légitime !
Sur le contrôle du patrimoine des élus François Hollande a fait une promesse claire !
Oui mais sur ce sujet, les promesses ne valent plus rien… Les élus doivent déjà déclarer leur patrimoine depuis 1988… Cette règle est d’une totale inefficacité parce que la commission de transparence financière de la vie politique n’a aucun moyen de contrôle. Une loi en 2011 est déjà (après d’autres promesses) venue renforcée les sanctions envers ceux qui mentiraient sur leur déclaration. Au départ c’était une proposition de loi de deux députés UMP, assez ambitieuse mais, en séances, l’ensemble des députés UMP, a largement édulcoré le texte… la peine de prison pour les gros tricheurs n’a pas été retenue suivant l’eternel argument de circonstance : « ne pas jeter l’opprobre sur les élus »… Cette même année la commission chargée de vérifier le patrimoine des élus, dans son 15ème rapport, expliquait tout simplement qu’elle n’avait pas les moyens de travailler. Il lui faudrait un vrai pouvoir d’enquête et que du personnel de la brigade financière puisse être mis à sa disposition… C’est l’hôpital qui demande à la charité de lui prêter des urgentistes… Pourtant, avec de tels moyens, Cahuzac aurait peut-être été repéré quand il était député ! On peut toujours espérer que l’annonce du Président changera les choses… mais c’est la n-ième annonce et entre l’annonce et la réalité de la loi qui sort des griffes du Parlement il y a généralement un beau dégonflage… (dixit 2011), ensuite ce sont les moyens d’appliquer la loi dégonflée qui manquent. C’est comme le choc de simplification : si souvent promis, jamais réalisé ! « On nous l’a trop fait »… pour prendre une expression un peu « poujado » mais malheureusement tellement vraie. Alors plutôt que de multiplier les mises en cause politiciennes, plutôt que de demander des remaniements sans intérêts ou des dissolutions inenvisageables, ce serait beaucoup plus utile et même plus embarrassant pour le pouvoir de réclamer tout simplement l’embauche d’agents du fisc et de vrais moyens, de vrais pouvoirs pour la commission de transparence financière de la vie politique.
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