La prudence française sur les évènements d’Algérie.
Avec de la part du gouvernement une déclaration minimale de satisfaction devant le renoncement de Bouteflika. Déclaration d’ailleurs vite obsolète, quand on s’est rendu compte de la probable entourloupe du pouvoir. Généralement, nous sommes prompts à dénoncer la pusillanimité des gouvernants, leur cruel silence (real politique oblige) à propos des mouvements populaires dans les pays autoritaires, au moins jusqu’au point de bascule, comme au Venezuela. Par le passé, vis-à-vis de l’Amérique du sud, ou de l’Afrique, la presse fustigeait les gouvernements attachés aux statuquos rassurants. Le contre-exemple iranien en 1979 est souvent rappelé, pour expliquer que parfois on ferait mieux de réfléchir avant de se laisser emporter par le romantisme révolutionnaire des autres. Mais pour l‘Algérie, c’est différent. La retenue est de mise et ce serait une folie de reprocher au gouvernement sa doctrine ‘ni ingérence ni indifférence’. D’ailleurs l’opposition se tait aussi. A raison. L’affaire est porteuse d’autant d’espoirs que de risques. Les Algériens nous le demandent ! Taisez-vous, votre parole, même bienveillante, peut être inflammable, disent-ils!
Notre histoire commune explique cette prudence.
Oui, 3 millions de descendants de pieds noirs, autant de binationaux, des centaines de milliers de ressortissants algériens, une littérature, un imaginaire, Albert Camus, des anciens combattants des deux côtés, notre constitution née pour résoudre le conflit algérien et ce souvenir colonial… toujours instrumentalisé de l’autre côté de la méditerranée, parfois aussi ici, entretenu par des situations de fait de ségrégation en France ; les massacres trop longtemps niés, Sétif, mai 45, et Paris, octobre 61, comme les massacres de Français, harkis ou pas, minimisés en Algérie. Les liens sont trop forts, trop passionnels. Les médias français sont suivis en Algérie avec ce mélange attrait/répulsion, bref l’intimité des deux peuples fait que si nous ne pouvons rester indifférents aux évènements d’Algérie (même ce terme résonne familièrement à nos oreilles), nos officiels doivent arrêter de respirer sur ce sujet. D’autant que paradoxalement, le renseignement français avoue qu’il sait, en définitive, très peu de chose des ressorts du cœur pouvoir algérien. Pour ce qui est visible, pour l’instant, le peuple algérien donne une leçon de civilisation, de force tranquille à ceux qui maintiennent la momie Bouteflika sous respirateur politique artificiel… mais aussi à tous les manifestants du monde. Ils arrivent à faire bouger le pouvoir par la force du nombre et la puissance de leur calme. ‘Chapeau le peuple algérien’ tweetait hier soir JL Mélenchon, ajoutant :’En France on devrait y réfléchir’. Il avait dit dans une vidéo la veille que le peuple français devrait avoir le courage de se mobiliser comme le peuple algérien ! Voilà qui est –disons- risible parce que, alors que les situations économiques et démocratiques sont aux antipodes, pour qu’une telle comparaison ait une once de pertinence, il eut fallu que Jacques Chirac n’ait jamais quitté le pouvoir depuis 95 et qu’il se représente malgré son état de santé! Hormis cette analyse incongrue et sans conséquence, la classe politique française, pour l’instant fait, preuve d’une grande responsabilité.