Ce matin, vous évoquez une banalisation positive.
Oui, il est des banalisations rassurantes. Rendez-vous compte, le PS, le parti le plus puissant de France vient de se choisir comme premier secrétaire un métis, un homme de couleur, une personnalité issue de la diversité, (on peut utiliser tous les termes appropriés, validés par les règles du ‘parler correct’ du moment)… et vous ne trouverez pas dans la presse (ou très peu) d’analyses de cette volonté qu’aurait eu le parti majoritaire d’afficher une diversité si rare au sommet des mouvements politiques. Il n’y a pas eu ces analyses parce qu’elles n’avaient pas lieu d’être faites. Au PS, Martine Aubry, Jean-Marc Ayrault et tous les soutiens d’Harlem Désir ne se sont pas dit : « tiens, ce serait bien de nommer un métis, choisissons-le plutôt que son concurrent Jean-Christophe Cambadélis pour montrer notre modernité et faire avancer la cause de la diversité ». Harlem Désir a été nommé pour ses qualités politiques, pour l’excellence de sa langue de bois hyper maîtrisée, au terme d’un long parcours contrasté, d’abord de leader charismatique et talentueux de SOS Racisme puis d’apparatchik, parfait homme d’appareil du PS. Il a été nommé parce que ses réseaux et son positionnement dans le parti faisait de lui le meilleur candidat possible. Bref, par un mélange d’honorables raisons politiques et de misérables considérations politiciennes. Sa nomination est le fruit d’un banal rapport de force interne… Rien à voir avec le fait qu’il soit métis. Et c’est tant mieux. Ça veut simplement dire que nous assistons à une banalisation de la diversité et du métissage. Il avait été reproché à Lionel Jospin, quand il était Premier ministre en 1997 de ne pas avoir composé un gouvernement plus représentatif de la nouvelle diversité française. Le nom d’Harlem Désir avait été cité comme ayant mérité de faire partie de ces gouvernements, compte tenu de son expérience politique et associative. En fait, la gauche majoritaire d’alors (97/2002), dite « plurielle », n’avait pas brillé par sa mise en avant de ce que l’on n’appelait pas encore les « minorités visibles ». Peu d’investitures dans des circonscriptions sûres, très peu de ministères.
C’est Nicolas Sarkozy qui aura finalement le plus affiché cette diversité au sein de son premier gouvernement…
Oui, au début de son quinquennat Nicolas Sarkozy parlait encore de « discrimination positive » et assumait parfaitement d’avoir choisi Fadela Amara, Rachida Dati ou Rama Yade autant, sinon plus, pour ce qu’elles représentaient que pour leurs qualités propres. Ce côté casting ou opération de communication lui aura aussi été reproché mais, au-delà de certaines erreurs d’aiguillage, il aura quand même été le premier à nommer une femme maghrébine à un ministère régalien. La notion de discrimination positive, inadaptée à la tradition républicaine française n’aura pas survécue. Nicolas Sarkozy abandonnera très vite ce terme avant d’abandonner le concept. Mais toujours est-il qu’aujourd’hui Fleur Pellerin ou Najat-Vallaud-Belkcacem, par exemple, toutes deux ministres de Jean-Marc Ayrault, ne semblent déjà plus, dans l’exercice de leurs fonctions, être là pour « colorer » le gouvernement. La banalisation est en marche. Elle sera vraiment enfin complète quand il sera parfaitement incongru de faire un édito comme celui-là !
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