Les violences de la semaine dernière à Air France continuent à diviser la gauche…
Oui, deux positions s’affrontent : d’un côté le soutien aux employés qui ont molesté les membres de la direction, et de l’autre la condamnation, sans équivoque, d’une violence injustifiable. Ce différent pourrait entrer, à première vue, dans le schéma classique des deux gauches : La gauche d’extraction révolutionnaire, celle qui garde sa vision marxiste, avec le rapport de force comme seul façon de faire avancer la cause…et l’autre gauche, celle qui cherche le compromis via un rapport de force, là aussi, mais dans le cadre des règles du dialogue social établis en commun. Mais, en fait, nous ne sommes pas là, dans ce schéma des deux gauches. Parce que dans la tradition de la première gauche, incarnée pendant des décennies par le PC et la CGT, la violence personnelle contre un négociateur (tout comme la destruction de l’outil de travail) est un interdit absolu (il ne s’agit pas avec Air France d’une direction voyou qui s’enfuit avec la caisse). La réaction de Jean Luc Mélenchon en particulier viole de façon spectaculaire (la dimension spectacle est importante)…viole cette tradition. Alors bien sûr comparer les violences physiques –l’arrachage d’une chemise- à la violence sociale que constitueraient 2900 licenciements, peut avoir sa pertinence politique. Ça ne tient pas, en revanche, si l’on se place du point de vu du droit. Et puis la violence sociale d’un licenciement est d’autant plus cruelle qu’elle se déroule dans un environnement ou un chômeur ne retrouve pas de travail. Les réformistes peuvent souligner (eux aussi avec une certaine pertinence politique) que la violence du chômage en France est aussi due à ceux qui refusent (c’est à dire la première gauche) que soit assoupli le droit du travail (selon, par exemple, les recommandations Lyon-Caen/Badinter) pour que les chômeurs puissent retrouver un emploi. Les deux camps dénoncent la responsabilité de l’autre dans une situation qui signe, en réalité, l’échec de nos habitudes basées sur la défiance à tous les niveaux de la société. Dans cette affaire, M.Valls, qui sur-joue l’autorité, mais surtout JL.Mélenchon, qui, contre toute la tradition syndicale, appelle ‘les salariés d’Air-France à recommencer’, soulignent la régression du débat social en France.
Le problème c’est que seules les positions tranchées sont audibles dans de tels moments.
Oui, la position équilibrée, celle qui consiste à s’émouvoir des arrestations à 6 heures du matin, à comprendre l’exaspération et l’angoisse des salariés menacés sans admettre, pour autant, la violence de meute, est en réalité une position largement partagée à gauche. Seulement cette position, trop évidente, ne fait pas ‘la une’. Les outranciers animent le débat à eux tout seuls. L’importance donnée aux excessifs, comme Mélenchon, est accentuée par les réseaux sociaux et le tout-infos qui préfèrent le clash à l’argument. Mais, après tout, ce n’est pas nouveau. V. Hugo, condamnant la Commune, et pourtant dénonçant la répression versaillaise, cet Hugo-là est battu aux législatives de 1872. On lui reproche, à gauche, sa traitrise, à droite son angélisme. Malheur, en France, aux modérés, aux compréhensifs, aux partisans de la concorde vigilante.
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