Par Marc Fauvelle.
Vous revenez sur les "parts d'ombres" de l'interview de Jérôme Cahuzac…
Je ne sais pas qui était le plus mal à l'aise hier soir. Lui, qui revenait nous parler du fond de son exil, lui qui est sans doute devenu ces derniers jours l'homme le plus détesté de France, ou alors nous, de l'autre côté du poste, à nous demander si on pouvait encore le regarder dans les yeux, et à quel moment lui faire confiance ? A voir cet homme faire son mea culpa médiatique, on hésitait entre plusieurs impressions. Quelque part entre le confessionnal et le divan du psy. D’ailleurs, pour nous prouver qu’il n’est plus le Cahuzac d’avant, il n'avait plus de cravate, pas non plus de feuille devant lui, ce n'est plus l’homme politique qui parle désormais mais l’homme tout court. Touché, abattu, mais qui a besoin de laver sa conscience pour, a-t-il dit, se redresser. C’est presque le redressement dans la justice, prôné par l'Elysée.
Il y a des mots qui ont été délibérément oubliés, il n'a pas été question de fraude fiscale. Et à la place, et à une dizaine de reprises, il a évoqué sa faute morale. C’est mot pour mot ce qu'avait dit l’ancien patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn, sur TF1 face à Claire Chazal, pour définir ce qui s’était passé dans la suite du Sofitel. D’ailleurs, le fait que l’ancienne communicante de DSK, Anne Hommel, travaille aujourd’hui avec Jérôme Cahuzac, qu’elle était présente pour cette interview, n’y est pas étranger. Alors il y avait peut-être, sans doute, une part de sincérité, mais aussi pas mal de grosses ficelles, et une bonne dose de plan com’ !
Et pour le reste qu’a-t-on appris ? Pas grand-chose. Ce n'était d’ailleurs sans doute pas l’objectif. Que Jérôme Cahuzac ne reviendra pas à l’Assemblée…ça paraissait difficile. Qu’il semble dédouaner François Hollande : « je ne lui ai pas dit la vérité, mais il ajoute aussitôt, j’ignore quel était son niveau de connaissance ». Sous-entendu, si vraiment, l’exécutif a fait enquêter sur moi -ce que rien ne prouve aujourd’hui, et là c’est moi qui l’ajoute- eh bien, c’est à lui qu’il faut demander. Et enfin que son argent, 600,000 euros et pas 15 millions, n’a jamais servi à financer le PS.
Mais il y a quand même autre chose qui restera de cette interview, c’est la justification de son mensonge. Pourquoi s’être enfermé dans ce déni bancaire pendant toutes ces années ? C’était, a t-il répété, « ma part d’ombre ». D’un point de vue psychologique, c’est bien trouvé, ça nous ramène à nos propres erreurs. On a tous fait un jour quelque chose dont on n’est pas fier et du coup, on a logiquement envie de lui pardonner. Mais là encore, c'est ramener un scandale politique à une simple affaire personnelle, celle d'un homme en lutte contre lui-même. Docteur Jérôme et Mister Cahuzac... Convoquer l'irrationnel, le bien contre le mal, c'est relativiser sa faute pour susciter l'empathie. Imaginez un avocat, qui dans sa plaidoirie, expliquerait que son client a mal agi à cause de sa part d'ombre, je ne suis pas sûr de l'effet sur le jury. La part d'ombre, c'est un peu la version moderne du « responsable, mais pas coupable ». Une réponse qui ne répond pas à la question posée. Enfin, comment imaginer que Jérôme Cahuzac ne l’ait pas vérifié avant l’interview, mais "La part d’ombre", c’était aussi un livre signé Edwy Plenel, paru il y a une vingtaine d’années ; une forme d'hommage, volontaire ou non, consciente ou non, de la victime a son bourreau.
Et puis un post-scriptum à votre édito d’hier, dans lequel vous évoquiez le patrimoine des ministres.
Et le cas précis d'Arnaud Montebourg qui sur sa fiche, faisait apparaître deux livrets de développement durable, ce qui est formellement interdit. On nous a entendus à Bercy, coup de fil d'une conseillère : « vous me l'avez appris… Oui le ministre a fait une erreur et il va régulariser sa situation dès aujourd'hui en fermant l'un des deux comptes ». Le journal Les Echos donne une version légèrement différente ce matin. Selon lui, c'est un courrier envoyé par les services de Matignon qui aurait alerté Arnaud Montebourg.
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