Edouard Philippe se présente au Havre ! Et la question est : pourquoi être candidat, tête de liste… pour ne pas être maire ? Imaginez-vous que le tenant du poste le plus chronophage de la république, 1er ministre, ait le temps d’aller siéger, même au conseil municipal du Havre ? Non...
Donc pourquoi se présente-t-il à l’élection d’un mandat qu’il n’exercera pas ? Pour se replonger –le temps de la campagne- au cœur des problèmes locaux, quotidien de Français ? Mais l’argument est éventé puisque la victoire de la liste (sans étiquette partisane dit-il, une bizarrerie pour le chef de la majorité), la victoire de la liste Philippe aboutirait à l’élection de l’actuel maire, un LR, un opposant au niveau national !
Edouard Philippe va user de son capital de popularité, élevé au Havre (où la population le connaît bien et l’apprécie) pour indiquer (même s’il est assez fin pour ne pas le dire comme ça) que sa politique nationale est appréciée... en faisant élire un maire LR donc ; Le macronisme, ce n’est pas simple à analyser… je vous le dit !
Le but n’est-il pas aussi de montrer qu’il n’est pas le technocrate déraciné que l’on dépeint souvent ?
Bien sûr. Il faut dire qu’Edouard Philippe, c’est l’homme des 80 KM/H (l’un des éléments déclencheurs des Gilets jaunes) ; l’homme d’une mesure d’âge pour la réforme des retraites (ce qui a mis le feu aux poudres)... Il est vu comme l’incarnation de l’énarque hors sol. Aller prendre un bain de jouvence démocratique dans une ville populaire était donc tentant... Il s’agit aussi, devant le fiasco annoncé de LREM aux municipales, de renforcer sa position dans une majorité qui parfois conteste ses choix, notamment pendant la réforme des retraites. Il s’agit enfin de se ménager un après Matignon. Si Edouard Philippe gagne au Havre, ce sera grâce au souvenir avantageux qu’il a laissé aux Havrais, pas pour la validation de ce qu’il est à Paris.
En réalité, nous sommes dans un cas à la fois de logique démocratique à l’ancienne plutôt vertueuse - se confronter au suffrage universel -et de confusionnisme (là aussi à l’ancienne) qui consiste à se présenter à un poste qu’on n’occupera pas (ou pas tout de suite) pour des raisons qui n’ont rien à voir avec l’objet de l’élection… On peut voir ça comme l’entretien d’un ancrage local ou comme la perpétuation de la culture du baron local. Le fait, entre autres, que le 1er ministre se présente aux municipales sans étiquette montre bien que le macronisme n’est toujours pas une offre politique digne de ce nom.
Edouard Philippe personnalise l’élection en la dépolitisant, en la "désidéologisant". Cette démarche, exactement comme la tentative avortée de "désétiqueter" les municipalités de moins de 9000 habitants, signe de l’échec de l’atterrissage politique de la majorité. Le Premier ministre, selon nos institutions, est le chef de la majorité, puisqu’il est responsable devant le parlement… Par cette candidature sans étiquette et qui aboutira à l’élection d’un maire étiqueté, lui, LR (c’est-à-dire d’un parti d’opposition), Edouard Philippe montre qu’il est plus aisé de quitter l’ancien monde politique que de construire le nouveau.
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