Mandats municipaux ou parlementaires, climat anti-élus, il y a urgence à s'interroger sur la crise des vocations.
L’édito politique, avec vous Yaël GOOSZ. Ce matin, vous lancez un SOS, attention danger, une espèce rare serait en voie de disparition...
Oui ce sont les élus ! A première vue, le théâtre des ambitions affiche complet, la bataille de Paris bat déjà son plein, la République en Marche croule sous les prétendants (dernier candidat déclaré "à la candidature" : le député et mathématicien Cédric Villani). Mais ce trop-plein sur la ligne de départ, c’est l’arbre qui cache le désert...
Il faut l’entendre cette grande déprime des élus : ils ne se répandent pas « on the record », leurs états d’âme sont rarement publics, ils se retiennent par peur du bashing… Pourtant, le malaise est bien là, à l’échelon local pour commencer, on en a beaucoup parlé cet été à ce micro : près d’un millier de maires démissionnaires depuis les dernières municipales, presque 400 en un an. Et quasiment la moitié qui aimerait s’arrêter à la fin de leur mandat, sondage réalisé cet hiver par le Sénat. Les raisons sont connues : moins de pouvoirs, moins de dotations, des indemnités dérisoires au regard des responsabilités et de la disponibilité exigée 24h sur 24.
Un maire d’une commune comme Annonay, en Ardèche, 17.000 habitants, avec 300 emplois directs sous ses ordres, touche 2300 euros nets. Un président de région, à peine le double. A moins d’être retraité, libéral ou rentier, ceux qu'on appelle les barons ne roulent pas sur l’or !
Et vous dîtes que ce malaise s’installe aussi au niveau national ?
Oui, chez les parlementaires, affolés par les futures réformes d’Emmanuel Macron. Après le non cumul des mandats, bientôt le non cumul dans le temps. Et toujours cette Haute Autorité qui vous passe au scanner, obligeant parfois les élus à dévoiler une part de leur vie privée… Depuis l’épisode Mélenchon, il faut aussi l’entendre cette colère sourde, et transpartisane. « Mais qu’on nous foute la paix ! Ras le bol des commissions de contrôle... De l’air, de l’air, stop à la suspicion permanente ! »
Enfin là, Yael, on parle d’argent public…
Bien sûr, et la bonne gestion est gage de confiance. Mais à la longue, combien de vocations dissuadées ? Et ce ne sont pas les #balancetonmaire, quand les impôts locaux sont en hausse, qui vont apaiser les choses. Donner un statut et des moyens à nos élus, c’est aussi les inscrire dans la durée, éviter la tentation de la corruption. Quand Nicolas Sarkozy augmente ses ministres au début de son quinquennat, c’est impopulaire mais courageux. Quand Emmanuel Macron veut réduire le nombre de parlementaires, c’est populaire mais est-ce vraiment courageux ? Comment se fera la politique à l’échelle de circonscriptions taille XXL ? Et d’ici là quelles motivations pour le député qui ne sait pas s'il sera redécoupé ?
Emmanuel Macron repart à la conquête des territoires, tout en bienveillance, avec la création de ce grand ministère des collectivités. Lui dont l’ascension a échappé à toutes les règles du cursus honorum d’un élu, devrait redoubler de vigilance : car pour le paraphraser, la République, c’est lui, c’est vous, c’est moi, mais c’est d’abord "eux", nos élus, précarisés. N’ayons pas peur des mots.
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