Le discours d’Emmanuel Macron, hier soir, à l’Onu. Le président, comme l’année dernière, s’est voulu l’avocat de l’écologie à la face du monde. Mais le ton était, en terme de volontarisme affiché, un cran au-dessus.
Nous avons -dit-il- tout pour agir : le diagnostique, les financements, la capacité d’innovation et le cadre onusien. Ses mots, désormais, sont ceux des écologistes les plus déterminés.
Il faut changer de modèle, de mode de production, de mode de consommation, de mode de gouvernement
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scande-t-il, en fustigeant même le capitalisme et le ‘libre-échangisme’
Oui, il utilise ce terme recyclé par les écologistes qui dénoncent le volume insensé des flux mondiaux de marchandises, source d’immenses productions de carbone. Pour se rendre compte du décalage entre l’ambiance française ou européenne sur le sujet et l’état d’esprit général du concert des nations, Emmanuel Macron, à l’ONU hier, c’était un peu Nicolas Hulot à la tribune de l’Assemblée Nationale : le plus écologiste
Pourtant, ici, les écologistes dénoncent son double langage !
Oui parce que la gauche et les écologistes considèrent que le libéralisme et le capitalisme sont les causes du réchauffement. Et c’est vrai, ces systèmes sont basés sur la croissance perpétuelle, un productivisme effréné. Mais ce que prônait la gauche, avant d’être écologiste, était tout aussi polluant, tout aussi basé sur la croissance. Le fruit de cette croissance devait simplement être mieux réparti.
Aujourd’hui donc, le président, libéral (mais en bon français, régulateur) sait que ses mots forts de New York ne sont pas encore traduits en faits à Paris. Il reconnait d’ailleurs le décalage entre son discours et les actes de la France… et prône pour sortir de cette contradiction par une action concertée et collective. Un pays seul ne peut pas, socialement, politiquement, s’engager dans une transition sérieuse.
La fiscalité sur le carbone, par exemple, principal levier de la transition, n’aurait de sens qu’à un niveau supranational pour que s’établisse un prix mondial du C02, seule façon de réorienter massivement les investissements vers des productions propres. Emmanuel Macron, en transition lui-même, est donc en proie à ses propres contradictions. Pascal Canfin (écologiste qui a rejoint la majorité) analyse ainsi la situation transitoire du président : il est maintenant face une révolution copernicienne des mentalités libérales à opérer, puisque pour résoudre la crise environnementale, il faut développer le multilatéralisme.
Or, jusqu’ici, le multilatéralisme allait de pair avec l’ouverture des frontières et de toujours plus d’échanges commerciaux. Maintenant il s’agit de décorréler l’idée du multilatéralisme de celle de l’augmentation infinie des flux. Il va falloir moins échanger de marchandises et même moins en produire, moins en acheter, trouver d’autres formes de croissances vertueuses et propres.
En réalité, il faut faire quelque chose d’apparemment paradoxal : accroître la coopération mondiale pour diminuer le flux des échanges mondiaux ! Pour l’instant, Emmanuel Macron n’a pas les moyens de cette nouvelle cohérence. En a-t-il la volonté au moins? Le ton et la passion du discours d’hier pouvaient le laisser penser...
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