Ce matin, une phrase d’Emmanuel Macron tirée du documentaire de Bertrand Delais, diffusé lundi sur France3, vous intrigue…
Une phrase qui a estomaqué nombre d’historiens sur le coup mais qui est passée quasiment inaperçue. Bertrand Delais, demande au président si sa rencontre avec Vladimir Poutine dans le faste de Versailles ne donne pas des arguments à ceux qui dénoncent la tendance un peu monarchique de sa gouvernance. Le président aurait pu répondre que Versailles est pleinement dans la République, siège du Congrès, quand se réunissent les 2 chambres, par exemple, pour voter les réformes constitutionnelles... Il aurait pu répondre que François Mitterrand, en 1981, y avait tenu, un sommet international, sous les ors, lambris et glaces du château du roi soleil ! Mais non, le président a fait cette incroyable réponse : «Versailles, c’est là où la république s’était retranchée quand elle était menacée» (bis). Que veut dire le président ? à quel moment de l’histoire fait-il référence ? Il n’y en a qu’un.
La commune !
Et bien oui... Contactée hier, l’Elysée n’avait pas d’autres explications, ni de commentaires d’ailleurs ! Pourtant il en faudrait des explications ! Après la défaite contre les Prussiens en 1870, Bismarck veut pouvoir négocier avec un pouvoir solide. Des élections sont organisées... Paris et les zones occupées ne peuvent pas voter. Le scrutin est dominé par les campagnes qui veulent la paix. Une majorité d’inspiration monarchiste est élue. Elle veut cesser le combat, alors que les Républicains parisiens souhaitent le poursuivre. On connaît l’histoire de la Commune... en aucun cas l’on peut dire qu’une république menacée se serait réfugiée à Versailles à ce moment-là ! Notre république d’aujourd’hui a d’ailleurs plus de racines chez les communards que dans le gouvernement Thiers! Dans l’éternel débat qui consiste à choisir de considérer que le roman national commence vraiment en 1789 ou alors –comme le pensait de Gaulle- qu’il s’inscrit dans une continuité depuis Clovis, on sait qu’Emmanuel Macron a choisi la seconde option. Et d’ailleurs, d’un point de vue historique, ça se défend. Mais de là à revisiter l’histoire et considérer que la légitimité a toujours été du côté de l’ordre, c’est nier, justement l’une des spécificités qui nous a « fait Nation », pour reprendre un terme cher à Emmanuel Macron : les révolutions du 19e siècle (dont la Commune), la résistance. Droite et gauche ont leur opinion s’agissant de la Commune. La gauche, bien sûr, a une certaine tendresse pour cette révolte écrasée dans le sang. Et même si certains ont déploré ses excès, comme Clémenceau et Hugo, ils ont une sorte de compréhension et se sont même battus pour l’amnistie des Communards. La droite d’aujourd’hui, généralement, renvoie dos à dos un gouvernement défaitiste et une plèbe émeutière... Mais aucun président de la République n’avait présenté les choses avec la distorsion historique qu’exprime la phrase d’Emmanuel Macron. Le dépassement du clivage gauche droite, pourquoi pas, c’est sans doute nécessaire, mais quel anachronisme de vouloir «faire-nation» en allant jusqu’à dépasser le clivage Républicains/monarchistes ! On n’en est plus là. Emmanuel Macron est président de la République française de 2018, pas de la France éternelle !
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