Ce matin une interpellation d’un auditeur.
Oui, transmise par la médiatrice de Radio-France, qui précise que la préoccupation de cet auditeur est partagée par d’autres. Il s’agit de notre tendance à utiliser, à propos du conflit des Gilets Jaunes, le terme ‘France périphérique’… Expression jugée méprisante. ‘Vous employez sans retenue cette expression sans mesurer la condescendance et le mépris profond qu'elle induit’ nous dit Paul, l’auditeur en question.
C’est vrai que le mot ‘périphérique’ fait penser à quelque chose de subalterne, à la marge. En réalité, c’est un terme neutre, inventé par le géographe Christophe Guilluy. Le géographe voulait ajouter aux France rurale et citadine, une autre catégorie, celle des petites villes et surtout de ces communes en lisière mais au-delà des métropoles.
Ces parties du territoire dans lesquelles on ne se sent ni à la campagne ni en ville, dans lesquelles vivent selon Guilluy une population chassée des centre-villes par la gentrification, c’est-à-dire via la hausse du foncier engendrée par un l’afflux de population aisée, mais aussi chassée des banlieues populaires pour échapper au sentiment de minorité culturelle dû à l’immigration.
Citadins aisés plus immigrés, deux groupes de population qui occuperaient tout l’espace des villes, deux groupes qui, pour des raisons radicalement différentes, seraient en phase avec la mondialisation alors que les habitants de la France périphérique (petits blancs dit Guilluy) en seraient, eux, les oubliés.
Cette théorie qui décrit la formation de la France Périphérique est très critiquée par la majorité des géographes qui la trouve simpliste et basée sur de faux arguments identitaires.
Quel rapport avec les Gilets jaunes alors ?
Et bien ce serait la révolte de cette France périphérique. Cette France, qui place le RN très en tête, se sentirait délaissée par les représentations médiatiques du pays et les politiques qui l’oublieraient du fait de son éparpillement dans des zones d’où les services publics se retirent.
Cette partie du territoire est un piège à voitures. Rien n’y est possible sans voiture. Bien plus qu’en ville mais plus aussi que dans les zones purement rurales qui gardent encore des structures de vie à taille humaine malgré une certaine désertification. Les termes utilisés par les politiques et la presse pour évoquer cette partie du territoire: ’périphérique’, ‘périurbaine’, ‘diagonale du vide’, ‘zones d’ennui’, sans histoire ni patrimoine, ont des sonorités négatives.
C’est bien la preuve que ce sont des territoires subis plus que choisis et auxquels les pouvoirs publics doivent prêter le plus d’attention.
Mais l’affaire se complique avec la publication ce matin des cartes précises des mobilisations établies par le géographe Hervé le Bras. Ce dernier estime qu’elle est plutôt le fait de la France rurale.
Bref, journalistes, sociologues, géographes se perdent en conjectures pour tenter d’analyser le mouvement en cours, sa nature et même la réalité de son ampleur. La perplexité de notre auditeur sur le terme « France périphérique » trouve sans doute ici sa justification.
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